De Beers : un deal perdant au Botswana ?

De Beers et le gouvernement du Botswana ont signé, en fin de semaine dernière, un nouveau contrat décennal d’exploitation des diamants locaux. Cet accord fixe une part égale dans la distribution des pierres précieuses et crée un fond de développement pour la diversification de l’économie du Botswana. Des concessions qui font penser que le groupe minier a contracté un deal perdant. Mais est-ce vraiment le cas ?
De Beers et le Botswana ont signé, le vendredi 30 juin 2023, un nouvel accord décennal sur la vente des diamants de Debswana, la joint-venture des deux parties. Prévu s’étaler sur la période 2023-2033, le contrat fixe une part égale (50% – 50%) entre le groupe minier et le négociant national Okavango Diamond Company (ODC). Mais la part montera progressivement, avec 30% dès l’année prochaine. Au bout de cinq ans, elle atteindra 40 % et, au bout de 10 ans 50 %.
Un accord plus qu’équitable pour Gaborone
Aussi, le contrat prévoit des opportunités de partager un intérêt dans les revenus finaux du taillé. Actuellement, De Beers et le Botswana ont un accès rotatif à des pierres spéciales et exceptionnelles. Mais dans le nouvel accord, la compagnie minière doit proposer plus de pierres sur une base facultative. Les deux parties ont convenu de mettre l’accent sur les pierres brutes d’une valeur de 500 000 $ ou plus. Ainsi, le Botswana peut tirer davantage profit de ses pierres les plus chères.
Par ailleurs, De Beers doit mettre en place un fond de développement (Diamonds for Development Fund) d’un milliard de pulas (environ 75 millions $) par an, destiné à diversifier l’économie du Botswana. Celle-ci repose un peu trop sur le diamant, avec deux tiers de son PIB issus de l’exploitation de cette pierre. Ce fonds, qui prend en compte des questions climatiques et sociales, permettra de créer des dizaines de milliers d’emplois dans divers secteurs, notamment l’agriculture et le tourisme.
Des bénéfices à voir dans le temps pour De Beers ?
Avec ces concessions, le Botswana semble avoir plumé De Beers. Certains analystes pensent que l’accord pourrait baisser les revenus du mineur de pierres précieuses et affaiblir son dossier d’investissement. Celui-ci fait déjà face à une augmentation des coûts de fonctionnement en raison de l’approfondissement des mines. Sans hausse du prix du diamant, on craint que cet accord rende l’investissement beaucoup plus marginal. Mais AI Cook, CEO du groupe, estiment que ces analystes ont mal interprété les détails de l’accord.
Selon lui, De Beers a obtenu ce dont il avait besoin, tout comme Gaborone. En premier lieu un prolongement de l’accord d’exploitation, alors que le gouvernement botswanais menaçait de rompre le contrat. Le bail minier s’étend encore sur 25 ans, à partir de 2029, soit jusqu’en 2054. Paul Rowley, vice-président exécutif de la De Beers, affirme de son côté que le volume global de l’entreprise ne diminuera pas nécessairement, même si elle aura finalement moins de produits du Botswana à vendre. « Dix ans, c’est long », dit-il.
Possibilité de stimuler l’intérêt pour le haut de gamme avec le taillé
Par ailleurs, le dirigeant estime que le partage des revenus finaux du taillé ne fera que stimuler l’intérêt des consommateurs haut de gamme et aider l’industrie touristique du Botswana. Il prend l’exemple d’un diamant brut rose de 23,78 carats, que le sightholder Diacore a transformé en un diamant taille coussin de 10,57 carats, fantaisie-vif-rose violacé, poli à l’intérieur sans défaut. Cette pierre s’est vendue 34,8 millions de dollars (3,3 millions de dollars par carat) chez Sotheby’s New York le mois dernier. De Beers devrait ainsi pouvoir se diversifier sur le diamant taillé. Ce qui permettra de booster l’activité de sa marque de bijoux Lightbox.