Sleeping Giants : le fardeau du boycott pour Décathlon
Qu’est venu faire Décathlon dans cette galère ? L’enseigne de sport préférée des Français rame depuis des mois pour se rabibocher avec une partie de sa clientèle après son soutien aux Sleeping Giants et l’annonce du boycott publicitaire de la chaîne d’information CNews, il y a bientôt un an. Une intrusion sur le terrain politique que de nombreux clients ont considéré hors-jeu et continuent à faire payer à Décathlon.
En matière de communication, on appelle cela du « brand safety » (ou risque réputationnel dans la langue de Molière). Il s’agit ni plus ni moins que de la préservation de l’image de marque d’une entreprise, qui peut être fragilisée de diverses manières : par exemple si la marque diffuse des publicités au cours d’émissions particulièrement polémiques, mais aussi, et Décathlon l’a appris à ses dépens, si la dite marque annonce le boycott d’une chaîne d’information regardée par des millions de Français.
Décathlon a sauté le pas en fin d’année 2020, sous la pression des Sleeping Giants, un mouvement activiste venu des Etats-Unis, et dont le mode d’action consiste à dénoncer publiquement les marques diffusant des publicités sur des médias considérés comme proches de l’extrême droite, puis à les inviter à rejoindre leur mouvement et à boycotter ces médias. Effet de mode ? Précipitation ? Toujours est-il que Décathlon est une des premières (et seules) grandes marques françaises à avoir franchi le pas. Elle en paie encore aujourd’hui les pots cassés.
Car si une partie non négligeable de ses clients se réjouit de ce boycott, une autre partie, qui n’est pas moins négligeable, s’est sentie agressée et méprisée par la démarche de la chaîne de magasins sportifs. C’est toute la difficulté de ce fameux risque réputationnel à l’ère des réseaux sociaux et de l’ultra polarisation de la société française. En se positionnant sur des sujets politiques et de société, Décathlon clive et divise sa clientèle.
Résultat. Les appels au boycott contre l’enseigne n’ont depuis cessé d’être lancés par des figures politiques comme par des anonymes. Pas de quoi faire flancher le chiffre d’affaires de Décathlon, dont le modèle demeure attractif, mais de quoi écorner son image unitaire et fédératrice. Tout le contraire des messages qu’un service de communication doit faire émerger pour toucher le plus large public possible.
Face à la polémique de CNews et des Sleeping Giants, il n’y a pas de bonne solution pour les annonceurs qui se retrouvent coincés entre l’enclume et le marteau. Il y en a hélas de mauvaise, comme peut en attester Décathlon qui doit, en rétrospective, juger plus malines les positions de nombreuses marques qui ont discrètement choisi de suspendre leurs campagnes de publicités sur les créneaux les plus polémiques des émissions politiques de CNews, sans se faire les porte-drapeaux d’un mouvement contesté.
Une mise en avant d’autant plus surprenante pour une marque ancrée dans le sport et le bien-être, qui s’adresse aux classes moyennes sans inclinaison politique particulière, et dont les cœurs de métier n’ont rien à voir avec les sujets de société au cœur des combats des Sleeping Giants.