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Boxe : l’affaire Caster Semenya pourrait-elle rétablir Imane Khelif ?

Ciryl Gane

Ciryl Gane

Imane Khelif pourra-t-elle tirer profit de l’affaire Caster Semenya ? La Grande Chambre de la CEDH a pris jeudi dernier une décision en faveur de la sprinteuse sud-africaine, marquant un tournant majeur dans la lutte contre les règles de DDS. Également concernée par ces troubles des intersexuées, la boxeuse algérienne peut espérer une évolution des exigences dans son sport.

Dans une décision rendue jeudi par 15 voix contre 2, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que le Tribunal fédéral suisse n’avait pas suffisamment examiné le recours de Caster Semenya en 2023. Ce recours portait sur la décision de 2019 du Tribunal arbitral du sport (TAS), qui avait confirmé le règlement de World Athletics sur les différences de développement sexuel (DDS).

La décision de la chambre n’annule pas directement la réglementation DDS

En termes simples, la Grande Chambre de la CEDH estime que Caster Semenya n’a pas eu droit à un procès équitable de la part du système juridique suisse. L’athlète sud-africaine devrait donc retourner devant cette juridiction. Si la décision de la chambre n’annule pas directement la réglementation DDS, elle marque un tournant majeur dans la lutte contre ces règles qui obligent les athlètes à modifier médicalement leurs niveaux d’hormones inhérents à des fins de compétition. La double championne olympique sud-africaine a refusé de se plier à ces exigences. Par conséquent, elle est bannie des tournois depuis 2019.

Mais elle constitue une lueur d’espoir pour toutes les sportives souffrant de DDS

Le verdict de la Grande Chambre de la CEDH constitue une lueur d’espoir pour toutes les sportives souffrant de DDS. Ce trouble se manifeste par la présence à la naissance de la paire de chromosomes masculine XY chez une personne pourtant identifiée physiquement comme une femme (les femmes ont la paire XX). Ce phénomène biologique n’a rien à voir avec celui de transgenre, qui est une transformation artificielle d’un individu qui ne se sent pas dans son corps de naissance. Malheureusement, la confusion est régulièrement faite.

La boxe fortement concernée par les DDS, avec notamment Imane Khelif 

Plusieurs autres sportives souffrent des DDS, notamment dans la boxe. Dans ce sport, l’exemple le plus patent est celui d’Imane Khelif. Lorsque la boxeuse algérienne a participé aux Jeux olympiques de 2024 à Paris, elle a dû lutter contre les accusations persistantes sur son sexe. Au milieu de la controverse, Khelif a quand même remporté la médaille d’or dans la catégorie des poids welters féminins. Un titre qui n’a fait qu’enrager davantage ses détracteurs.

Imane Khelif présenterait des marqueurs XY avec un caryotype « masculin »

Parmi ces détracteurs figurent le président américain Donald Trump, la romancière britannique J.K. Rowlings et l’activiste américaine Riley Gaines, qui milite contre la participation des athlètes transgenres aux sports féminins. Pour étayer sa thèse sur la masculinité présumée de Khelif, cette dernière s’appuie sur un article du média 3 Wire Sports, qui rapporte les résultats présumés de deux tests chromosomiques effectués par l’Association International de Boxe (IBA) en 2022 et 2023. Ces résultats prouveraient que la boxeuse algérienne est biologiquement un homme car présentant des marqueurs XY avec un caryotype « masculin ». Personne n’a pu vérifier cela à ce jour.

Pour le CIO, l’affaire Imane Khelif est le résultat d’« une guerre culturelle » 

Mais le Comité International Olympique (CIO) a nié l’existence de ce rapport. Ses représentants ont déclaré que Khelif remplissait les critères d’éligibilité du comité et que les tests prétendument effectués par l’IBA, organisation « discréditée », étaient « viciés », « non légitimes », et relevaient d’une « guerre culturelle » à motivation politique. L’IBA a engagé à son tour des poursuites judiciaires en Suisse, en France et aux États-Unis contre le CIO pour avoir autorisé Khelif et Yu-ting, une athlète taïwanaise souffrant également de DSD, à concourir dans les catégories féminines.

Imane Khelif n’a plus combattu depuis les JO de Paris 2024

Imane Khelif a aussi déposé une plainte pénale pour cyber-harcèlement en France contre ses détracteurs. Mais depuis les JO de Paris, elle n’est plus remontée sur le ring. World Boxing, qui a pris provisoirement la place de l’IBA, a annoncé l’élaboration d’une politique visant à régler la question très controversée de l’admissibilité des femmes. En vertu de cette nouvelle politique, tous les athlètes de plus de 18 ans souhaitant participer à un événement de World Boxing devront se soumettre à un test génétique par réaction en chaîne par polymérase (PCR) afin d’évaluer leur éligibilité.

De nouvelles règles pour concourir dans les catégories masculine et féminine 

Ce test peut être réalisé par prélèvement nasal ou buccal ou par salive. Il permettra de déterminer le sexe d’une personne, et plus précisément la présence de matériel génétique du chromosome Y. Si une personne présente un matériel génétique du chromosome Y ou une DSD avec une androgénisation masculine, elle ne pourra concourir que dans la catégorie masculine. Si seule une paire de chromosomes XX est trouvée, ou une DSD dans laquelle l’androgénisation ne se produit pas, cette athlète sera considérée admissible à concourir dans la catégorie féminine. Il faudra attendre pour voir si cette règle fera l’unanimité, autant chez les DSD que chez les transgenres…