Dans l’imaginaire collectif, le basket est un sport de géants. Des bras interminables, des jambes qui touchent presque le cercle, des têtes qui dépassent tous les adversaires. On pense à Shaquille O’Neal, Kareem Abdul-Jabbar ou Victor Wembanyama. Des monuments physiques. Des corps taillés pour dominer. Mais derrière cette image imposante se cache une autre réalité. Car si « être grand » est un atout indéniable, elle n’est pas, à elle seule, la clef du succès. Et le basket, plus que tout autre sport, est aussi une affaire d’intelligence, de technique, de lecture du jeu.
Le poids de la norme du « grand »
Il faut être honnête : dans le basket, la taille offre un avantage. Les statistiques le confirment. En NBA, la taille moyenne d’un joueur dépasse les deux mètres. Dans les compétitions féminines professionnelles, elle est autour d’1m85. Plus on est grand, plus il est facile de défendre, de bloquer des tirs, de prendre des rebonds, de finir près du cercle. Un pivot de 2m15 n’a pas les mêmes opportunités qu’un meneur d’1m75. C’est un fait.
Dès les premières sélections, la taille devient un critère. Dans les centres de formation, les entraîneurs scrutent les courbes de croissance. Les jeunes très grands sont rapidement orientés vers les postes intérieurs, parfois au détriment de leur développement technique. À l’inverse, les plus petits doivent souvent se surpasser pour prouver leur valeur.
Et pourtant, ce filtre biologique, aussi puissant soit-il, ne dit pas tout. Car l’histoire du basket est aussi faite d’exceptions, de profils inattendus, de talents qui ont défié les normes.
Quand les « petits » changent le jeu
Allen Iverson mesurait 1m83. Il a pourtant dominé la NBA, cassé des chevilles à tour de bras et électrisé les foules. Chris Paul, Tyus Jones, ou encore le légendaire Muggsy Bogues – 1m60 seulement – ont prouvé qu’un petit gabarit pouvait briller au plus haut niveau.
Pourquoi ? Parce que le basket est un sport de rythme, d’anticipation, de timing. Un bon dribbleur, capable de casser les lignes, de créer du décalage, de comprendre les intentions adverses, peut faire basculer un match. La taille n’empêche pas la vision du jeu. Elle ne remplace pas le QI basket. Et surtout, elle ne garantit pas la réussite.
Certains joueurs compacts ont même transformé leur « manque de taille » en avantage. Plus rapides, plus bas sur leurs appuis, plus difficiles à défendre. Ils obligent les grands à sortir de leur zone de confort. Ils imposent un autre tempo, une autre dynamique.
Une question de poste… et d’évolution
Il est vrai que tous les postes ne demandent pas les mêmes qualités physiques. Un pivot ou un ailier fort a intérêt à avoir une envergure imposante. La lutte dans la raquette, la protection du cercle, les rebonds nécessitent puissance et allonge. Mais un meneur, lui, doit surtout penser vite, distribuer, accélérer le jeu.
Aujourd’hui, la frontière entre les postes se brouille. Le basket moderne favorise les joueurs « polyvalents », capables de tirer de loin, de défendre sur plusieurs positions, de changer de rôle en cours de match. On parle de « positionless basketball ». Dans ce contexte, la taille reste utile, mais ne suffit plus.
Un joueur de 2m10 qui ne sait pas tirer à 3 points, qui ne défend pas en mouvement, devient vite un handicap. À l’inverse, un joueur d’1m85 capable de dribbler, de shooter et de défendre fort peut devenir indispensable. Tout dépend de l’intelligence du jeu, de la capacité à s’adapter, à lire les situations.
Formation : vers un changement de regard ?
Dans les écoles de basket et les clubs formateurs, la prise de conscience progresse. On comprend qu’il ne faut pas miser uniquement sur la taille. Un enfant précoce physiquement n’est pas forcément celui qui réussira à long terme. D’autres facteurs comptent : la coordination, la lecture du jeu, la motivation, la créativité.
Le risque, sinon, est de passer à côté de vrais talents. De limiter les opportunités. De construire un basket uniforme, standardisé, où seuls les plus grands auraient leur chance.
Heureusement, de plus en plus d’entraîneurs insistent sur le développement global. On apprend aux intérieurs à dribbler. Aux petits à jouer en post-up. On casse les rôles figés. On ouvre le champ des possibles.
« Être grand » VS la vraie mesure du talent
Alors, est-ce que la taille compte ? Oui. Mais elle ne décide pas de tout. Le basket est un sport hybride, qui mélange l’explosivité et la finesse, la stratégie et l’instinct, la force brute et le geste juste. Être grand peut aider. Être complet aide encore plus.
Les plus grands joueurs de l’histoire ne sont pas simplement les plus grands en centimètres. Ce sont ceux qui ont compris le jeu. Qui l’ont réinventé. Qui ont su se mettre au service du collectif. Et ça, aucune toise ne peut le mesurer.