Sport Une

Sport et climat : un mariage en tension

Face aux dérèglements climatiques, certains sports deviennent difficilement praticables et l’organisation d’événements vire au casse-tête. Le sport mondial peut-il s’adapter à un monde qui brûle, fond ou suffoque ?

Des canicules qui dérèglent les performances

Des Jeux Olympiques de Tokyo étouffants en 2021 aux matches de tennis écourtés à Melbourne à cause de la chaleur, les exemples s’accumulent. Les épisodes de canicule, de plus en plus fréquents, mettent les organismes à rude épreuve. Au-delà du confort, c’est la sécurité des sportifs qui est en jeu. Crampes, coups de chaleur, pertes de connaissance : la surchauffe n’est plus une simple gêne, elle devient un risque.

Même les sports historiquement adaptés au soleil, comme le marathon ou le cyclisme, doivent désormais revoir leurs horaires, déplacer leurs parcours, voire annuler certaines épreuves. En 2022, le marathon de Paris avait vu plusieurs coureurs hospitalisés pour hyperthermie, malgré des dispositifs de prévention renforcés.

Des hivers de plus en plus incertains

À l’autre bout du spectre, les sports d’hiver vivent eux aussi une période charnière. Le manque de neige naturelle pousse de nombreuses stations à recourir à la neige artificielle, avec des conséquences écologiques et économiques discutables. En 2023, près de 60 % des stations françaises ont dû reporter ou annuler leur ouverture.

Ce phénomène impacte directement les compétitions de ski, snowboard ou biathlon, dont les calendriers deviennent instables. Organiser une Coupe du monde à une date fixe relève du pari. Les organisateurs se tournent parfois vers des pays plus froids, au prix d’un bilan carbone lourd en transports.

Les JO d’hiver, eux-mêmes, sont menacés dans leur modèle. Un rapport du CIO estime que seules 10 régions dans le monde pourraient accueillir des Jeux d’hiver en 2050 sans recourir à des solutions artificielles.

Des événements toujours plus polluants

Le paradoxe est frappant : le sport, censé promouvoir la santé et la nature, est aussi un contributeur important des émissions de CO₂. Un grand événement comme la Coupe du Monde de football ou les Jeux Olympiques génère des millions de tonnes de gaz à effet de serre, entre les déplacements, les infrastructures, l’énergie et la consommation.

Le Mondial 2022 au Qatar, climatisé en plein désert, a cristallisé les critiques. Mais même des épreuves plus modestes, comme des marathons urbains, soulèvent la question : faut-il continuer à organiser des compétitions de masse à l’heure de l’urgence climatique ?

Des initiatives de transition

Face à ces constats, certains acteurs du sport se mobilisent. Le Tour de France a revu son dispositif logistique pour limiter ses émissions. Roland-Garros a intégré des matériaux recyclés dans ses installations. Des compétitions écoresponsables voient le jour, comme l’EcoTrail à Paris, qui mise sur le zéro déchet et la mobilité douce.

Les fédérations commencent aussi à intégrer des critères environnementaux dans l’attribution des compétitions. La FIFA, le CIO, l’UEFA évoquent désormais la « neutralité carbone » comme un objectif, même si les actions concrètes restent souvent symboliques ou marginales.

Des athlètes prennent également la parole, comme Kilian Jornet, Alizé Cornet ou la navigatrice Clarisse Crémer, qui militent pour un sport durable et cohérent.

Vers une transformation du modèle ?

Le défi est immense : comment concilier la passion du sport avec la réalité climatique ? Faut-il réduire la taille des événements ? Limiter les déplacements ? Interdire certains matériaux ou pratiques ? Modifier les saisons et les formats ? Le débat est lancé.

Certains imaginent des compétitions décentralisées, sans public, diffusées uniquement en ligne. D’autres misent sur des formats locaux, où l’impact écologique serait limité. Des fédérations, enfin, commencent à publier des bilans carbone et à s’engager dans des plans de réduction.

Mais il faudra plus qu’une communication verte. Il faudra du courage politique, de la coopération internationale, et un changement de mentalité chez les fans, les sponsors et les organisateurs.

Le sport à l’épreuve de son époque

Le sport est un miroir de la société. Et à ce titre, il ne peut ignorer la crise climatique. Il doit se repenser, s’adapter, et montrer l’exemple. Car dans les années à venir, ce n’est pas seulement la neige qui disparaîtra des pistes ou la chaleur qui rendra les stades invivables. C’est l’idée même de ce que nous appelons aujourd’hui « jeu », « spectacle » ou « performance » qui sera remise en question.

L’urgence n’est plus à la prise de conscience, mais à l’action.