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L’essor du football féminin : entre visibilité médiatique et professionnalisation

Le football féminin n’a jamais autant fait parler de lui. De la Coupe du Monde 2019 à l’Euro 2022, en passant par l’émergence de figures emblématiques comme Wendie Renard ou Alexia Putellas, le ballon rond au féminin conquiert peu à peu les tribunes, les écrans et les mentalités. Mais derrière cette croissance, de nombreux défis subsistent.

Une ascension longtemps freinée

L’histoire du football féminin est jalonnée d’obstacles. En France, il faut attendre 1971 pour que la Fédération française de football (FFF) reconnaisse officiellement sa pratique, après des décennies de marginalisation. Pendant longtemps, les femmes n’avaient ni les moyens ni les structures pour pratiquer ce sport dans de bonnes conditions. Le foot restait « une affaire d’hommes », aussi bien dans l’imaginaire collectif que dans les médias.

Les choses commencent à bouger timidement dans les années 2000, avec la médiatisation de quelques compétitions internationales. Mais c’est surtout à partir de 2011, lorsque les Bleues atteignent les demi-finales de la Coupe du Monde, que l’opinion publique commence à s’y intéresser sérieusement. La France découvre alors un football féminin technique, engagé et spectaculaire.

Des compétitions qui changent la donne

La Coupe du Monde 2019, organisée en France, marque un tournant. Le tournoi attire près d’un milliard de téléspectateurs à travers le monde, dont plus de 10 millions pour le quart de finale France–États-Unis. Les stades sont pleins, les audiences explosent, les sponsors affluent. Le message est clair : le football féminin peut rassembler, séduire et générer de la valeur.

Dans la foulée, les clubs professionnels commencent à investir davantage dans leurs sections féminines. À Lyon, le club emblématique de l’Olympique Lyonnais Féminin, couronné à plusieurs reprises en Ligue des champions, reste un modèle de professionnalisation. Le PSG, Chelsea, le FC Barcelone ou encore la Juventus emboîtent le pas.

Visibilité médiatique : encore du chemin

Malgré cette dynamique positive, la couverture médiatique du football féminin reste très inférieure à celle des hommes. En 2023, selon une étude de l’Arcom, seulement 4% des retransmissions sportives concernaient des compétitions féminines. L’écart est particulièrement criant en période de Coupe du Monde masculine, où l’espace médiatique est saturé.

Le manque de visibilité alimente un cercle vicieux : moins de retransmissions signifie moins de revenus, donc moins de moyens pour les clubs féminins. Pour rompre cette logique, certaines initiatives voient le jour. En France, la chaîne gratuite L’Équipe a commencé à diffuser régulièrement des matchs de D1 Arkema. Canal+, qui détient une partie des droits, joue également un rôle moteur. Mais la route est encore longue pour atteindre un véritable équilibre.

La question des salaires et de la reconnaissance

Un autre enjeu majeur est celui de l’égalité salariale. Les écarts entre les revenus des footballeuses et leurs homologues masculins sont vertigineux. En France, une joueuse de D1 gagne en moyenne entre 2 000 et 4 000 euros par mois, contre plusieurs centaines de milliers d’euros pour un joueur de Ligue 1. Cette inégalité se retrouve aussi dans les primes, les dotations fédérales et les partenariats.

Certaines stars comme Megan Rapinoe ou Ada Hegerberg ont ouvertement dénoncé ces écarts, allant jusqu’à refuser des sélections pour protester. Sous la pression, plusieurs fédérations — notamment aux États-Unis, en Norvège ou en Angleterre — ont commencé à réviser leurs grilles salariales pour tendre vers une égalité hommes-femmes. Un mouvement encore trop marginal mais porteur d’espoir.

Un avenir à construire

L’essor du football féminin est indéniable, mais il repose encore sur des bases fragiles. Pour garantir une croissance durable, plusieurs leviers doivent être activés : renforcer la formation dès le plus jeune âge, structurer les championnats, investir dans les infrastructures, lutter contre le sexisme latent, améliorer la couverture médiatique et garantir des revenus décents.

Les joueuses, quant à elles, continuent de porter haut les couleurs de leur discipline, à coup de performances remarquables et d’un engagement sans faille. Leur passion et leur détermination dessinent les contours d’un futur plus équitable pour le football.

Car au fond, qu’il soit masculin ou féminin, le foot reste un sport d’émotion, de dépassement de soi et de communion. Et c’est bien cela, l’essentiel.