Confrontée au ralentissement de sa croissance et à une consommation intérieure insuffisante, la Chine a décidé de faire du sport l’un des piliers de sa stratégie économique. Pékin ambitionne de porter l’industrie sportive à 7.000 milliards de yuans (soit environ 832 milliards d’euros) à l’horizon 2030, en multipliant les événements, en renforçant l’offre de loisirs et en incitant les habitants à bouger davantage.
Le sport comme moteur économique
Neuf agences gouvernementales, parmi lesquelles le ministère du Commerce et la banque centrale, ont présenté un plan coordonné pour stimuler la consommation. Le sport occupe une place centrale dans ce dispositif. L’idée est claire : développer une économie des loisirs sportifs, qu’il s’agisse de matchs, de compétitions internationales ou de pratiques amateurs, afin de dynamiser la demande intérieure et compenser la baisse de régime du modèle basé sur l’exportation et l’investissement industriel.
Selon un rapport du Conseil d’État, cet effort massif doit permettre à la Chine de hisser son industrie sportive au rang des plus puissantes du monde, avec un chiffre d’affaires équivalant à près d’un tiers du PIB français.
Des signaux positifs venus des provinces
Certaines régions testent déjà la recette. Dans le Jiangsu, province de 85 millions d’habitants, les championnats locaux de football ont généré des retombées spectaculaires. Les matchs de la ligue régionale ont attiré en moyenne 25.000 spectateurs par rencontre depuis mai 2025, avec plus de 1,3 milliard de vues en direct. Le tourisme a bondi de 50 % dans les villes hôtes et la consommation locale a progressé de 15 %.
Ces chiffres confirment le potentiel d’un sport perçu non seulement comme un spectacle, mais aussi comme un levier de croissance pour les commerces, l’hôtellerie et les services.
Une population encore peu sportive
Pour atteindre ses objectifs, Pékin doit toutefois changer les habitudes d’une partie de sa population. Si environ 39 % des Chinois pratiquaient une activité physique régulière en 2023, ce chiffre reste inférieur à celui des Américains (47 %). L’écart est encore plus flagrant pour les salles de sport : seuls 2,8 % des Chinois y sont inscrits, contre 8 % des Européens et 20 % des Américains.
Les dépenses suivent la même tendance : un Chinois consacre en moyenne 354 dollars par an à des activités physiques, contre plus de 2.300 dollars pour un Américain. Pékin veut donc développer l’accès aux infrastructures et créer un véritable marché du fitness, aujourd’hui embryonnaire.
Le prestige comme vitrine internationale
La stratégie chinoise passe aussi par l’accueil d’événements sportifs de prestige. Les autorités se disent prêtes à investir massivement pour attirer des compétitions internationales, renforcer les ligues professionnelles et développer des marques sportives locales capables de rayonner au-delà du marché intérieur.
Ces événements doivent contribuer à positionner la Chine comme une place forte du sport mondial, tout en stimulant la consommation touristique et la fierté nationale. Un pari qui s’inscrit dans la continuité de l’organisation des Jeux olympiques de Pékin en 2008 et 2022.
Un rééquilibrage économique nécessaire
Au-delà du sport, c’est toute l’économie chinoise qui doit se transformer. La consommation des ménages ne représente que 32 % du PIB, contre 55 % en France et 64 % aux États-Unis. Or, cette faiblesse pèse sur la résilience du pays face aux crises extérieures et à la dégradation du marché immobilier.
Les économistes appellent à des réformes structurelles, notamment dans la fiscalité. Aujourd’hui, la TVA chinoise favorise les régions industrielles, car elle est perçue là où les biens sont produits, et non là où ils sont consommés. Résultat : les gouvernements locaux privilégient encore l’investissement industriel au détriment des services. Ce déséquilibre alimente les surcapacités de production et accentue la déflation.
Le sport, une réponse politique et sociale
Dans ce contexte, miser sur le sport répond à plusieurs objectifs : stimuler la consommation, renforcer la santé publique et offrir de nouvelles formes de cohésion sociale. Le Parti communiste chinois entend ainsi promouvoir un mode de vie plus actif, susceptible de réduire les dépenses de santé à long terme et d’accompagner la transition vers une économie de services.
Le plan s’appuie sur un mélange de grands projets étatiques et d’initiatives locales, afin d’encourager la pratique de masse tout en favorisant les investissements privés dans les clubs, les salles de sport et les événements.
Un pari ambitieux mais incertain
Reste à savoir si cette stratégie suffira à relancer durablement l’économie chinoise. Le sport peut créer des emplois, générer des revenus et renforcer le soft power, mais il ne saurait compenser à lui seul les faiblesses structurelles du pays. La dépendance aux investissements industriels et la crise immobilière demeurent des obstacles majeurs.
Pour Pékin, l’enjeu est donc de transformer une initiative sportive en véritable dynamique économique, capable de modifier les comportements des ménages et de rééquilibrer un modèle en bout de souffle. Si l’objectif de 830 milliards d’euros est atteint, la Chine prouvera que le sport peut être bien plus qu’un spectacle : un moteur de croissance à part entière.
