À quelques jours du coup d’envoi de la Coupe du monde de rugby féminin en Angleterre (22 août-27 septembre), la réalité sociale et économique du sport ressurgit. La moitié de l’équipe samoane a dû recourir à des collectes de fonds pour subvenir à ses besoins et pouvoir participer au tournoi. Un contraste saisissant avec les nations les mieux dotées.
Le rêve mondial terni par la réalité économique
La Coupe du monde de rugby féminin 2025 s’annonce comme un moment fort pour le sport, avec 16 nations prêtes à en découdre sur les terrains anglais. Mais derrière les sourires et l’enthousiasme, se cachent parfois des histoires de sacrifices personnels. C’est le cas des joueuses samoanes, contraintes de financer elles-mêmes leur participation à la compétition.
Selon une enquête du Guardian, seize joueuses de la sélection, soit la moitié de l’effectif, ont dû recourir à des campagnes de financement participatif pour couvrir des dépenses aussi basiques que leur loyer ou les factures domestiques durant leur absence. Une situation qui illustre les profondes inégalités qui persistent encore dans le rugby féminin mondial.
Témoignages d’une génération de battantes
Parmi elles, Nina Foase, mère de trois enfants et animatrice jeunesse, a raconté son expérience. À 36 ans, elle se prépare à vivre la plus grande compétition de sa carrière, mais son chemin vers l’Angleterre a été semé d’embûches.
« C’était incroyable, je ne m’attendais pas à recevoir autant de dons. J’étais vraiment reconnaissante et surprise de voir le nombre de personnes qui voulaient me parrainer », explique-t-elle.
Foase avoue avoir hésité à lancer une collecte, craignant de demander trop. Mais face à ses responsabilités familiales et à la nécessité de maintenir une stabilité financière, elle a franchi le pas. Son témoignage met en lumière la force de résilience des joueuses samoanes, prêtes à tout pour représenter leur pays.
Un système inégalitaire
Si World Rugby prend en charge les frais de vol et d’hébergement des équipes, ces aides ne couvrent pas les besoins quotidiens des joueuses. Les Samoanes reçoivent une petite indemnité journalière, insuffisante pour compenser l’absence de contrat professionnel. Contrairement à la majorité des nations engagées, leur fédération n’a pas les moyens d’offrir un cadre salarial structuré.
À l’opposé, les Anglaises bénéficient de conditions idéales. Les joueuses de l’équipe hôte touchent des salaires annuels compris entre 39.000 et 48.000 livres sterling (45.000 à 55.000 euros), auxquels s’ajoutent des primes de 1.500 livres (1.636 euros) par match. Elles figurent parmi les mieux rémunérées au monde, devant les Galloises, les Néo-Zélandaises, les Écossaises et les Irlandaises.
Le Canada, considéré comme un outsider crédible, n’offre pas de contrats fixes mais paie ses joueuses au tournoi. Particularité notable : leur rémunération est identique à celle des hommes, un signe fort d’égalité même si les montants demeurent inférieurs aux grandes nations professionnelles.
Un contraste criant
Cette disparité met en lumière les fractures profondes qui traversent le rugby féminin. Alors que certaines joueuses vivent de leur passion et bénéficient d’un encadrement complet, d’autres doivent cumuler plusieurs emplois ou s’endetter pour porter le maillot de leur pays. Le cas des Samoa en est l’illustration la plus dure.
Le Japon fait face à une situation similaire, avec des joueuses souvent obligées de financer elles-mêmes une partie de leur préparation et de jongler entre carrière professionnelle et vie sportive. Ces réalités ternissent l’image d’un tournoi qui se veut vitrine mondiale de la discipline.
Le rugby féminin, un sport en pleine mutation
L’histoire des Samoanes pose une question de fond : comment assurer une véritable équité dans le développement du rugby féminin ? Ces dernières années, la discipline a franchi un cap en termes de visibilité et d’audience. La Coupe du monde 2021, disputée en Nouvelle-Zélande, avait déjà battu des records d’affluence. L’édition 2025 en Angleterre s’annonce encore plus suivie.
Mais la professionnalisation reste à deux vitesses. Certaines fédérations investissent massivement, d’autres peinent à suivre le rythme. Cette fracture risque à terme de déséquilibrer les compétitions, en créant un fossé insurmontable entre nations riches et pays émergents.
Un symbole de courage et de solidarité
Malgré les difficultés, les joueuses samoanes abordent la Coupe du monde avec un état d’esprit combatif. Leur présence même au tournoi est un exploit en soi, fruit de leur détermination et du soutien de leur communauté. Les dons reçus traduisent l’attachement d’un peuple à son équipe et la volonté collective de voir les Samoa briller sur la scène mondiale.
Cette histoire résonne aussi comme un rappel des valeurs profondes du sport : la solidarité, la passion et la résilience. Bien au-delà des résultats, les Samoanes symbolisent un combat pour l’égalité et la reconnaissance du rugby féminin.
Une question politique à l’horizon
À quelques jours du coup d’envoi, la pression monte aussi sur les instances dirigeantes. World Rugby, qui affiche son ambition de développer le rugby féminin, devra tôt ou tard se saisir de cette question. Faut-il instaurer des aides spécifiques pour les nations moins riches ? Créer un fonds de soutien destiné à garantir une rémunération minimale aux joueuses engagées en Coupe du monde ?
Ces interrogations seront au cœur des débats dans les prochaines années. Car si le rugby féminin veut s’imposer comme un sport pleinement professionnel et attractif, il devra résoudre ces inégalités criantes.
