La victoire de Pauline Ferrand-Prévot sur le Tour de France féminin a marqué les esprits à plusieurs niveaux. Au-delà de mettre fin à une longue attente pour la France, qui n’avait plus triomphé depuis Jeannie Longo en 1989, le succès de la Française a relancé le débat sur l’impact du poids sur les performances cyclistes. Depuis sa victoire sur Paris-Roubaix en avril, PFP a perdu quatre kilos, un détail que la Suissesse Marlen Reusser a choisi d’analyser avec attention et prudence.
Une nouvelle norme dans le peloton
Pour Reusser, cette réussite pose une question de fond pour le cyclisme féminin : l’établissement d’une « nouvelle norme » en matière de performance et de condition physique. « Ferrand-Prévot a établi une nouvelle norme. Lorsque des coureuses connaissent un tel succès, cela nous met tous sous pression », a déclaré la Suissesse dans un entretien accordé au Tages-Anzeiger. Elle résume même la situation avec une pointe d’ironie : « On espérait secrètement qu’elle ne gagne pas. »
Cette victoire intervient alors que Reusser elle-même avait observé l’abandon de la leader de la Movistar lors du Tour de France, victime d’une intoxication alimentaire survenue trois jours avant la première étape. Malgré cette mésaventure, Ferrand-Prévot a su rebondir pour remporter la Grande Boucle, montrant une résilience et une discipline hors du commun.
Les risques pour la santé : le syndrome RED-S
Si Reusser admire les performances de PFP, elle alerte également sur les risques potentiels liés à la perte de poids rapide dans le cyclisme professionnel. Docteure en médecine et spécialiste des questions de santé, elle s’inquiète des conséquences possibles pour le corps des athlètes : « Quelles sont les conséquences pour le corps ? Est-ce que cela n’est finalement pas si nocif si cette carence n’est pas permanente ? Dans quelle mesure s’agit-il d’une optimisation, et à partir de quand cela devient-il pathologique ? »
Le syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport), une carence énergétique relative pouvant affecter la santé hormonale, osseuse et métabolique, est une préoccupation réelle dans le cyclisme féminin. Reusser souligne que les études scientifiques restent limitées, mais que la pression pour suivre des standards de performance toujours plus élevés peut entraîner des comportements à risque chez les sportives.
Entre admiration et vigilance
Malgré ses inquiétudes, Reusser ne remet pas en cause le mérite sportif de Ferrand-Prévot. « On admire ses performances, son intelligence tactique et sa capacité à dominer le peloton », reconnaît-elle. Mais pour la Suissesse, le succès de PFP pourrait créer une pression implicite sur toutes les coureuses du peloton, les poussant à ajuster leur poids et leur alimentation de manière potentiellement dangereuse pour rester compétitives.
Ainsi, l’analyse de Reusser dépasse le simple constat sportif. Elle illustre les tensions entre performance et santé dans le cyclisme de haut niveau, où la quête d’excellence peut parfois entrer en conflit avec le bien-être physique des athlètes.
Une réflexion nécessaire pour le cyclisme féminin
Le témoignage de Marlen Reusser rappelle l’importance de la vigilance médicale et de l’accompagnement des sportives dans leur gestion du poids et de l’alimentation. Si la victoire de Ferrand-Prévot restera dans les annales du cyclisme français, elle soulève aussi une interrogation majeure pour l’avenir : jusqu’où la recherche de performance peut-elle aller sans mettre en danger la santé des coureuses ?
À 33 ans, Marlen Reusser, en combinant expertise sportive et médicale, invite le cyclisme féminin à réfléchir aux standards qu’il impose, afin que les succès de demain ne se fassent pas au détriment du corps des athlètes.
