Il y a des matches qui laissent des traces plus profondes que d’autres. La finale du tournoi de Washington, disputée ce dimanche entre Alejandro Davidovich Fokina et Alex De Minaur, en fait partie. Pour la deuxième fois de sa carrière, l’Espagnol s’est incliné en finale d’un tournoi ATP alors qu’il s’était procuré des balles de match. Cette fois encore, le scénario s’est montré impitoyable. Et à l’arrivée, des larmes, de la frustration, et cette sensation d’être passé tout près de l’explosion.
L’émotion à fleur de peau
Le score — 6-4, 2-6, 7-6 en faveur de l’Australien — ne dit pas tout de la dramaturgie de cette rencontre. Davidovich, 25 ans, a pourtant eu les occasions. Il a mené dans le set décisif, servi pour le match à 5-4, et s’est même offert trois balles de titre. Mais rien n’a tourné en sa faveur. Pas même la chance : sur l’une de ces balles, un lob désespéré de De Minaur a mordu la ligne pour 16 millimètres, selon l’analyse de l’ATP. Le point a basculé, puis le match. Le tennis, parfois, ne pardonne rien.
À peine le dernier ace claqué par De Minaur, Davidovich s’est effondré, tête baissée, accroupi près de sa chaise. Il a longuement sangloté sous sa serviette, inconsolable malgré l’accolade sincère de son adversaire du jour. « Tu es beaucoup trop fort pour ne pas obtenir un titre. Ça va venir, c’est certain », lui a glissé De Minaur, lucide sur le niveau de jeu affiché par l’Espagnol. « Tu le méritais aujourd’hui. J’ai juste été chanceux. »
Une malédiction à conjurer
Cette finale à Washington avait tout du moment idéal pour briser le plafond de verre. L’Espagnol n’a encore jamais remporté de titre sur le circuit principal, malgré un jeu aussi spectaculaire qu’efficace, et une régularité croissante ces derniers mois. Il s’était déjà incliné en finale à Estoril en 2022, face à Frances Tiafoe, dans un match où il avait également craqué au moment de conclure. Cette fois, la performance était encore plus aboutie, et la défaite encore plus cruelle.
Davidovich n’a jamais caché son tempérament volcanique ni sa difficulté à canaliser ses émotions dans les moments clés. Il a souvent été rattrapé par une nervosité destructrice, notamment sur les grands courts. Mais à Washington, c’est un autre visage qu’il a montré : combatif, concentré, solide. Et pourtant, cela n’a pas suffi.
De Minaur, le métronome
Il faut aussi souligner la performance d’Alex De Minaur, désormais 13e mondial, qui a su rester calme malgré un scénario mal engagé. L’Australien, connu pour sa combativité et sa vitesse de déplacement, a puisé dans ses réserves pour résister à la tempête espagnole. À 5-3, 30-0 dans le troisième set, il semblait condamné. Mais il n’a jamais abdiqué, a sauvé les balles de match avec sang-froid, et conclu la finale sur un ace limpide après plus de trois heures de jeu.
Il s’agit du huitième titre de sa carrière, et probablement l’un des plus durs à décrocher. « Je savais que ça allait être un combat. Alejandro est un joueur redoutable, imprévisible. Mais je me suis accroché jusqu’au bout », a-t-il commenté après la rencontre.
Une progression qui reste réelle
Malgré la déception, Davidovich n’a pas à rougir. Son tournoi à Washington confirme une dynamique très positive cette saison. Il progresse au classement, développe une plus grande stabilité dans son jeu, et montre une vraie capacité à rivaliser avec le top 20. Il lui manque peut-être encore un brin de lucidité dans les moments de bascule. Mais l’expérience, aussi douloureuse soit-elle, finira peut-être par lui offrir cette maturité nécessaire pour aller chercher un premier trophée.
Difficile, toutefois, de ne pas s’interroger sur l’impact psychologique de ces défaites à répétition dans les matches à enjeu. À mesure que les occasions manquées s’accumulent, la pression grandit. Et Davidovich, dont l’instabilité émotionnelle est connue, pourrait être tenté de se refermer. C’est là que son entourage aura un rôle essentiel à jouer dans les semaines à venir.
Le titre, ce sera pour demain ?
La saison est encore longue, et d’autres occasions se présenteront. L’Espagnol semble désormais capable de rivaliser avec les meilleurs sur dur, et sa polyvalence sur les différentes surfaces reste un atout. Sa quête du premier titre se poursuit, avec peut-être plus d’intensité encore après ce revers.
Au sortir de cette finale déchirante, Alejandro Davidovich n’a pas pris la parole. Mais son visage disait tout : de la douleur, certes, mais aussi une détermination nouvelle. À force de frapper à la porte, il finira par l’ouvrir. Encore faut-il en avoir la force — et l’envie — après un tel coup du sort.
