Des feux d’artifice dans le ciel, des tribunes pleines à craquer, des athlètes venus des quatre coins du monde… Les grandes compétitions sportives fascinent, rassemblent et inspirent, mais l’empreinte carbone qu’elles laissent derrière elles est souvent sous-estimée. À l’heure où l’urgence climatique impose des choix radicaux, le modèle des grands événements sportifs mondiaux – de la Coupe du monde au Tour de France en passant par les Jeux olympiques – est de plus en plus contesté. Non pas pour leur valeur symbolique ou sportive, mais pour leur coût environnemental.
Transports, infrastructures, consommation énergétique, déchets : les émissions de gaz à effet de serre générées par ces événements sont colossales. En 2022, une étude publiée par l’ONG Carbon Market Watch estimait que la Coupe du monde de football au Qatar avait généré plus de 3,6 millions de tonnes de CO₂. Un chiffre contesté par la FIFA, mais qui montre l’ampleur des débats.
Transports : le cœur du problème de l’empreinte carbone
Le principal poste d’émissions reste les transports. Qu’il s’agisse des athlètes, des staffs, des journalistes ou des supporters, les déplacements, souvent en avion, pèsent lourd. Selon les calculs du CIO pour les Jeux de Paris 2024, près de 70 % de l’empreinte carbone de l’événement proviendra des déplacements internationaux.
Et la question dépasse les frontières. Même à l’échelle nationale, comme pour le Tour de France, les caravanes publicitaires, les suiveurs et les véhicules logistiques engendrent une consommation de carburant difficile à justifier au regard des enjeux climatiques actuels. Le vélo, pourtant, y devient paradoxalement une vitrine de la transition sans en être un acteur réel.
Des infrastructures éphémères, un impact durable
Autre point noir : les infrastructures. Combien de stades, de villages olympiques ou de centres de presse ont été construits pour quelques semaines d’utilisation ? Le problème n’est pas tant leur existence que leur obsolescence. Quand les équipements ne sont pas réutilisés, ils deviennent des friches, comme en Grèce après Athènes 2004 ou au Brésil après Rio 2016. Les matériaux nécessaires à leur construction, leur consommation d’eau et d’électricité, leur entretien, tout cela laisse une trace dans l’environnement bien au-delà de la compétition.
Les comités d’organisation font désormais des efforts pour réduire cette empreinte. Paris 2024, souvent cité comme modèle, promet des Jeux « à impact positif sur le climat ». 95 % des infrastructures y seront temporaires ou existantes. Mais les experts restent prudents : même avec des efforts de compensation carbone, il est difficile de rendre neutre un événement aussi massif.
L’alimentation et les déchets : l’empreinte carbone sous-estimée
L’autre face du problème, plus discrète mais tout aussi centrale, concerne l’alimentation et les déchets. Une compétition majeure, ce sont des millions de repas servis, des tonnes d’emballages, de bouteilles plastiques, de gobelets… Beaucoup finissent en décharge ou sont incinérés, faute de tri efficace.
Les initiatives de restauration durable, de consigne, ou d’approvisionnement local se multiplient, mais restent marginales. Le Mondial de rugby 2023 en France a expérimenté des stands zéro plastique et des menus végétariens. Un pas dans la bonne direction, mais encore timide face à l’échelle du problème.
La tentation du greenwashing
De plus en plus, les grands événements sportifs s’annoncent « neutres en carbone » ou « écoresponsables ». Mais derrière ces promesses, les critiques de greenwashing se font entendre. Beaucoup d’organisateurs compensent leurs émissions en finançant des projets environnementaux (reboisement, énergies renouvelables), sans pour autant réduire significativement leur empreinte initiale.
Cette stratégie, si elle peut aider ponctuellement, ne peut être l’unique réponse. « Compenser sans réduire, c’est repousser le problème », résume l’économiste Maxime Combes, spécialiste des politiques climatiques. La vraie transition passe par une sobriété choisie, non par une écologie cosmétique.
Vers des événements repensés pour l’empreinte carbone ?
Alors, faut-il renoncer aux grandes compétitions ? Pour beaucoup, ce serait un contresens. Le sport de haut niveau, en plus d’être un moteur économique, joue un rôle culturel et éducatif majeur. Mais son format doit évoluer.
Les experts appellent à limiter les déplacements (en organisant plusieurs épreuves dans une même ville ou région), à mutualiser les équipements, à privilégier les événements continentaux, et à impliquer les spectateurs dans une logique bas carbone.
Les compétitions de demain ne seront peut-être pas moins spectaculaires, mais elles devront être plus sobres, plus locales, plus justes écologiquement. Et si la transition écologique devenait, elle aussi, une forme de compétition mondiale, où chaque pays rivaliserait d’innovation pour concilier performance sportive et responsabilité environnementale ?
