Philippe Diallo, président de la Fédération française de football, a présenté mardi devant son comité exécutif une organisation inédite, soutenue par la FFF, qui pourrait bouleverser la gouvernance du football professionnel français. Inspiré du modèle britannique, ce projet prévoit la disparition de la Ligue de football professionnel et la naissance d’une « société de clubs » pour reprendre la main. Une petite révolution en préparation, qui divise déjà et suscite bien des interrogations.
La FFF veut rassembler autour d’un projet commun
Le football français traverse une crise profonde, entre déficit d’image, tensions politiques et fragilité économique des clubs. Face à ce contexte, Philippe Diallo a souhaité mettre sur la table une réforme ambitieuse. Son objectif : rassembler la famille du football derrière un modèle unique, afin de stabiliser le système et donner plus de poids aux clubs dans la prise de décision.
La proposition de loi visant à réformer l’organisation du sport professionnel, adoptée au Sénat et attendue prochainement à l’Assemblée nationale, fournit le cadre juridique de ce bouleversement. Le président de la FFF mise sur l’ouverture de la prochaine session parlementaire, en octobre, pour obtenir un consensus et avancer rapidement vers une mise en place en juillet 2026.
Une société de clubs pour remplacer la LFP
La pierre angulaire de cette nouvelle gouvernance serait la création d’une « société de clubs », appelée à prendre la place de la LFP. Celle-ci regrouperait les clubs de Ligue 1, de Ligue 2 ainsi que le fonds d’investissement CVC, déjà impliqué dans le football français. La répartition du capital a été précisée : 86,96 % pour les clubs, 13,04 % pour CVC.
Cette société disposerait d’une large autonomie de décision. Elle conserverait notamment la commercialisation des droits audiovisuels, véritable poumon économique du football professionnel, mais aussi l’exploitation des compétitions et l’organisation des matchs. En revanche, la FFF garderait son rôle de délégation de l’État, avec un droit de veto sur certaines décisions stratégiques. La DNCG, gendarme financier du football, continuerait de relever directement de la Fédération.
Un mode de gouvernance inédit
C’est sans doute la partie la plus révolutionnaire du projet : la disparition du système électif au profit d’un directoire composé de professionnels externes, nommés et révoqués par les clubs. Fini le rôle du président de la LFP, figure centrale mais souvent contestée ces dernières années. À sa place, des dirigeants mandatés, choisis pour leurs compétences, et placés sous le contrôle d’un conseil de surveillance où siègeraient les familles du football et la FFF.
Cette gouvernance s’inspire directement du modèle de la Premier League anglaise, largement reconnu comme l’un des plus performants au monde. Elle doit permettre, selon Philippe Diallo, d’éviter les blocages institutionnels et les jeux politiques qui ont trop longtemps parasité le football français.
Les enjeux économiques au cœur du débat
Derrière cette réorganisation, un sujet reste central : la répartition des droits télévisés. Leur effondrement récent a plongé plusieurs clubs dans de grandes difficultés financières et fragilisé l’ensemble du championnat. La création de la société de clubs doit être l’occasion de redéfinir ces clés de répartition, dans l’espoir de concilier attractivité et solidarité entre petites et grandes équipes.
La commercialisation des droits de paris sportifs et l’exploitation de nouveaux leviers de revenus figurent aussi parmi les missions confiées à la société. L’objectif est clair : renforcer la compétitivité du football français sur la scène européenne, alors que ses voisins anglais, allemands et espagnols ont pris une longueur d’avance.
Des résistances à surmonter
Si de nombreux clubs se disent favorables au projet, certains restent frileux. Les discussions avec Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG, sont régulières, tant le poids économique du club parisien peut influencer l’issue des négociations. D’autres présidents, inquiets de perdre leur voix ou leur capacité d’influence, redoutent une gouvernance trop centralisée.
Philippe Diallo tente de rassurer : chaque club, quelle que soit sa taille, disposerait d’une voix dans le fonctionnement de la société. Mais le passage d’un système électif à un système de nomination demeure un bouleversement culturel qui ne fait pas l’unanimité.
Une réforme symbole d’un tournant historique
Cette réforme, si elle aboutit, marquera une rupture historique avec le fonctionnement du football français depuis des décennies. La LFP, créée en 1944, a structuré le paysage professionnel, mais son rôle est désormais remis en cause au profit d’une organisation jugée plus moderne et efficace.
La volonté de bâtir une « Premier League à la Française » illustre l’ambition de Philippe Diallo : hisser le championnat de France parmi les plus puissants d’Europe, tout en offrant une stabilité institutionnelle. Reste à convaincre les sceptiques et à franchir l’obstacle parlementaire.
D’ici à l’été 2026, le football français pourrait donc changer de visage, avec une gouvernance totalement repensée. Entre promesses de professionnalisation et craintes de concentration du pouvoir, le débat ne fait que commencer. Une chose est sûre : l’avenir de la LFP est désormais plus que jamais en suspens.
