Épreuve mythique pour des millions de coureurs, le marathon est aussi devenu un formidable terrain d’expérimentation écologique. Dans un contexte de sensibilisation croissante aux enjeux environnementaux, les grandes courses sur route – longtemps accusées d’empreinte carbone excessive – se réinventent. Elles s’imposent comme des vitrines de l’innovation verte, autant que des défis sportifs. Désormais, courir 42,195 km peut aussi signifier courir plus responsable.
Des géants du marathon sous pression
Paris, Berlin, Londres, Boston… Les World Marathon Majors attirent des dizaines de milliers de participants et parfois plus d’un million de spectateurs. Cette ampleur logistique engendre un impact considérable : déchets plastiques, transport aérien massif, consommation énergétique élevée pour les installations. Face à ces critiques, les organisateurs ont été contraints d’agir.
Le Marathon de Paris, par exemple, a initié depuis plusieurs années une démarche de réduction des déchets, avec la suppression des bouteilles en plastique et la généralisation des gobelets recyclables. À Londres, les ravitaillements expérimentent des capsules comestibles d’eau, faites à base d’algues. À New York, les médailles sont désormais fabriquées en matériaux recyclés, tandis que la gestion des transports repose sur un vaste plan de navettes et de mobilités douces.
Le dilemme du dossard : la planète ou la performance ?
Chaque inscription à un marathon implique souvent un déplacement. Or, l’empreinte carbone d’un vol transatlantique pour participer à une course dépasse largement celle de la course elle-même. C’est ici que se joue l’un des paradoxes majeurs de la course à pied moderne : l’universalité du marathon l’oppose à la nécessité de relocaliser les pratiques.
Certains événements s’efforcent de limiter leur attractivité internationale pour privilégier un public local. D’autres, à l’image du Marathon de Copenhague, proposent un calcul précis de l’empreinte carbone de chaque participant et un système de compensation volontaire via des projets certifiés. Mais ces efforts, bien qu’honorables, ne règlent pas la contradiction de fond : peut-on concilier massification, mondialisation et réduction de l’impact environnemental ?
Un levier éducatif à fort potentiel
Les marathons représentent une opportunité unique pour faire passer des messages de sensibilisation. Les coureurs, souvent sensibles à la santé et au bien-être, sont un public naturellement réceptif aux enjeux écologiques. Plusieurs courses intègrent désormais des espaces pédagogiques dans leurs villages partenaires, organisent des challenges « sans empreinte », ou proposent des kits de course plus durables.
Les organisateurs cherchent aussi à mobiliser les partenaires privés. Sponsoring, ravitaillements, animations : toutes les composantes du marathon sont progressivement passées au crible d’une logique verte. Ainsi, les marques proposent des t-shirts techniques recyclés, les buvettes se mettent au vrac, et les goodies inutiles disparaissent peu à peu.
Le trail en avance… mais à quel prix ?
Dans le domaine de la course à pied, le trail a longtemps été vu comme plus respectueux de l’environnement, notamment grâce à son ancrage dans la nature. Pourtant, les grands trails, comme l’UTMB à Chamonix, sont désormais confrontés aux mêmes défis que les marathons urbains : afflux massif de participants étrangers, surfréquentation des sentiers, effets néfastes sur les écosystèmes alpins.
Certaines initiatives montrent la voie, comme l’obligation d’avoir son propre gobelet sur les courses ou la généralisation des balisages réutilisables. Mais l’illusion d’un trail « propre » s’estompe à mesure que le succès populaire entraîne une industrialisation de ces compétitions. Le marathon, paradoxalement, pourrait devenir plus écologique grâce à une meilleure maîtrise des flux et des infrastructures déjà existantes en milieu urbain.
Vers un label « Marathon vert » ?
Plusieurs acteurs plaident pour la création d’un label international mesurant l’empreinte écologique des courses. Des critères comme la gestion des déchets, les transports, l’alimentation, les matériaux utilisés ou la politique sociale des organisateurs pourraient être intégrés. Ce label donnerait de la lisibilité aux coureurs soucieux de choisir une course responsable, tout en stimulant une saine émulation entre les grandes épreuves.
Certaines fédérations nationales, comme la FFA en France, réfléchissent à intégrer un volet environnemental dans l’homologation des courses. L’objectif : qu’à terme, l’écologie devienne un critère de qualité aussi essentiel que la sécurité ou le chronométrage.
Courir vers demain
Le marathon de demain ne sera pas seulement une épreuve d’endurance physique. Il incarnera aussi une endurance éthique et environnementale. Moins de plastique, moins de déplacements inutiles, plus d’inclusion locale, plus d’innovation durable. Si les organisateurs, les collectivités et les coureurs relèvent ensemble ce défi, alors la course à pied pourra rester ce qu’elle a toujours été : un espace de liberté, de dépassement de soi, mais aussi de responsabilité partagée.
