Le sport professionnel génère aujourd’hui des sommes colossales. Droits TV, sponsoring, transferts records… l’économie sportive est devenue un secteur à part entière. Mais cette croissance effrénée soulève de nombreuses questions : à qui profite-t-elle ? Est-elle soutenable ? Et que devient l’essence même du sport dans cet univers dominé par l’argent ?
Des milliards qui circulent, mais pour qui ?
Les grandes ligues européennes de football, la NBA, la Formule 1 ou encore les Jeux olympiques brassent chaque année des milliards d’euros. À titre d’exemple, les droits TV de la Premier League anglaise dépassent 6 milliards sur trois saisons. Des clubs sont valorisés comme des entreprises du CAC 40. Et certains athlètes, comme Cristiano Ronaldo ou LeBron James, accumulent des revenus annuels supérieurs à ceux de grands PDG.
Mais derrière cette vitrine dorée, les inégalités explosent. Une poignée de disciplines concentrent la quasi-totalité des flux économiques. À l’échelle mondiale, moins de 5 % des sportifs professionnels vivent confortablement de leur activité. Et dans de nombreuses disciplines, les salaires restent précaires, notamment chez les femmes.
L’explosion du modèle financier des clubs et l’économie propre au sport pro
Pour rester compétitifs, les clubs professionnels ont progressivement adopté une logique d’entreprise : recherche d’investisseurs, maximisation des revenus, développement de « marques clubs ». Certains fonctionnent désormais comme des holdings, multipliant les sources de revenus (naming de stade, merchandising mondial, plateformes numériques…).
Cette dynamique a des effets ambivalents. D’un côté, elle professionnalise et sécurise certains secteurs. De l’autre, elle met en péril les équilibres économiques. Les salaires explosent, les transferts atteignent des sommes démesurées (plus de 200 millions d’euros pour un seul joueur), et la dépendance aux revenus télévisés rend les clubs vulnérables aux aléas.
Le cas du football, laboratoire des dérives de l’économie
Le football européen concentre l’essentiel des débats. Certains clubs, à l’instar du PSG ou de Manchester City, sont devenus des instruments de soft power pour des États riches, au mépris du fair-play financier. Les écarts entre clubs riches et pauvres se creusent, rendant les championnats de plus en plus prévisibles et déséquilibrés.
La tentative avortée de Super Ligue européenne en 2021 en a été l’illustration criante : un projet fondé non sur le mérite sportif, mais sur la rentabilité des clubs les plus « bankables ». Face à cela, les supporteurs ont montré leur attachement à une certaine idée du sport : compétitive, ouverte, méritocratique.
Des pratiques aux frontières de l’éthique
Dans cette économie du spectacle, les limites éthiques sont souvent repoussées. Le « sportwashing », qui consiste à utiliser le sport pour redorer l’image de régimes autoritaires, est de plus en plus visible (Qatar, Arabie saoudite, Chine). Les athlètes deviennent des ambassadeurs malgré eux.
Par ailleurs, le bien-être des sportifs passe parfois au second plan. Charges mentales, dopage, surentraînement, précarité après carrière… la machine économique n’a pas toujours de garde-fous suffisants pour protéger ceux qui en sont pourtant les piliers.
Vers une régulation plus forte de l’économie du sport ?
Face à ces excès, des voix s’élèvent pour réclamer plus de transparence, de régulation et de redistribution. L’UEFA tente d’imposer un salary cap. La FIFA veut plafonner les commissions d’agents. En France, des débats émergent sur le modèle économique des clubs professionnels et leur rapport aux collectivités locales.
Certains proposent une réappropriation citoyenne du sport, à travers des modèles coopératifs (comme à Barcelone ou Dortmund), un renforcement du rôle des supporters dans la gouvernance, ou une taxation plus juste des revenus du sport professionnel pour financer le sport amateur.
