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US Open : le double mixte fait grincer des dents

US Open

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En choisissant de convier Carlos Alcaraz, Iga Swiatek ou encore Naomi Osaka pour redonner de l’attrait au double mixte, l’US Open a créé la surprise. Mais cette décision, qui exclut les spécialistes de la discipline, provoque l’incompréhension et la colère de joueurs comme Édouard Roger-Vasselin ou Estelle Cascino.

Une nouvelle formule pour séduire le public

Le double mixte n’a jamais été l’épreuve la plus suivie des tournois du Grand Chelem. Les organisateurs de l’US Open ont donc pris une décision audacieuse : transformer la compétition en un véritable spectacle en invitant les stars du tennis mondial. Ainsi, des champions comme Carlos Alcaraz, Iga Swiatek, Naomi Osaka ou encore Emma Raducanu figurent au programme.

Objectif affiché : dépoussiérer une formule jugée peu attractive et attirer un public plus large. Le choix d’associer les têtes d’affiche à cette épreuve répond à une logique de spectacle et de rentabilité, mais il bouleverse profondément l’équilibre habituel. Les spécialistes du double mixte, qui consacrent leur carrière à cette discipline, se retrouvent tout simplement exclus de l’événement.

La frustration des joueurs évincés de l ‘ US Open

Parmi eux, Édouard Roger-Vasselin, vainqueur de Roland-Garros en double mixte en 2023. Le Français ne cache pas sa déception. « Évidemment qu’on est déçus. On comprend que ce soit plus vendeur d’avoir Alcaraz et Raducanu, mais on regrette qu’on nous enlève l’opportunité de disputer un tournoi du Grand Chelem », explique-t-il.

Pour le joueur, la solution aurait pu être hybride : inviter les stars du simple tout en réservant des places aux meilleurs spécialistes du double. « Moi, j’aurais été ravi de jouer contre Alcaraz et Raducanu. Ça aurait eu du sens sportivement », ajoute-t-il. Derrière cette frustration se cache aussi une inquiétude plus large : celle de voir la discipline reléguée à un rôle secondaire, voire menacée de disparition dans les prochaines années.

Un format revisité, proche de l’exhibition

Au-delà du casting, c’est aussi le format du tournoi qui interroge. La compétition, condensée sur deux jours, se joue au meilleur des trois sets… de quatre jeux seulement. En cas d’égalité à 4-4, un tie-break départage les équipes. L’avantage a été supprimé, raccourcissant encore la durée des matches.

Pour Édouard Roger-Vasselin, cette formule ne correspond en rien à un Grand Chelem : « C’est un tournoi d’exhibition. On ne peut pas appeler ça un tournoi du Grand Chelem. » Selon lui, cette décision contribue à brouiller l’identité du double mixte et à dévaloriser une discipline qui a pourtant sa place dans l’histoire du tennis.

Une évolution de l ‘ US Open contestée

Estelle Cascino, elle aussi spécialiste du double, partage cette inquiétude. Pour elle, l’US Open a pris prétexte du double mixte pour tester des innovations destinées à accélérer le rythme du jeu. « Ça fait plusieurs fois qu’on entend qu’il faut que le tennis aille plus vite pour les spectateurs », rappelle-t-elle. « Mais je ne trouve pas normal de prendre le double pour faire ces expériences. »

La joueuse redoute même que cette initiative serve de signal : « Ce qu’il se passe à l’US Open, c’est fait exprès. C’est juste pour dire aux joueurs de double : ‘Dans quelques années, il n’y en aura plus’. » L’idée que les autres Grands Chelems puissent adopter la même formule accentue ses craintes pour l’avenir de la discipline.

Un enjeu aussi économique

L’éviction des spécialistes n’a pas qu’une portée symbolique. Elle a aussi des répercussions financières. En double mixte, les gains sont liés au parcours dans les quatre tournois du Grand Chelem. « Si on est pragmatique, c’est un petit manque à gagner », concède Édouard Roger-Vasselin.

Certes, rater un seul tournoi n’a pas un impact décisif sur une saison. Mais si les quatre Grands Chelems venaient à supprimer l’accès aux spécialistes, cela priverait de nombreux joueurs d’une part non négligeable de leurs revenus. « Là, ça peut vraiment faire la différence », insiste le Français.

Un dilemme pour le tennis mondial

L’initiative de l’US Open soulève une question plus large : quel avenir pour le double dans le tennis moderne ? Si les organisateurs cherchent à séduire le grand public, ils prennent aussi le risque d’affaiblir une discipline historique, qui a produit ses légendes et conserve une valeur tactique et spectaculaire propre.

Certains voient dans cette transformation une chance de donner plus de visibilité au double en l’associant à des stars mondiales. D’autres y lisent au contraire un signal alarmant : celui d’un effacement progressif du double mixte, sacrifié au profit d’un produit plus vendeur.

Vers une mutation irréversible de l ‘ US Open ?

L’US Open assume son choix, présenté comme une expérience. Mais l’inquiétude est réelle : et si cette « expérimentation » devenait la norme ? La perspective de voir Wimbledon, Roland-Garros ou l’Open d’Australie suivre cette voie inquiète profondément les spécialistes du double, qui craignent pour la survie même de leur discipline.

Au-delà des résultats, c’est une conception du tennis qui se joue ici. Faut-il privilégier le spectacle immédiat ou préserver la diversité des formats et des traditions ? En repoussant les spécialistes au second plan, l’US Open a ouvert un débat qui ne fait que commencer.