La NFL a eu chaud. Lundi soir, un homme est entré dans un gratte-ciel de New York, armé d’un fusil d’assaut M4, pour s’en prendre à l’organisation de football américain, dont le siège s’y trouve. Heureusement qu’il s’est trompé d’étage. Le tireur a quand même fait quatre victimes, parmi les employés d’autres entreprises. Pourquoi un tel acte ?
Lundi en début de soirée, vers 18H30 locales, un homme muni d’un fusil d’assaut M4 a ouvert le feu dans une tour de New York, qui abrite de grandes entreprises comme la firme financière Blackstone et le cabinet de conseil KPMG. Il a commencé à tirer dès le hall, avant de prendre l’ascenseur pour parcourir les étages. Les sirènes d’alerte ont rapidement retenti dans le quartier, au 345 Park Avenue, dans le cœur de Manhattan. De nombreux véhicules de police, des hélicoptères et plusieurs ambulances ont aussitôt quadrillé la zone.
Le tireur s’était donné la mort au 33e étage
À l’arrivée des forces de l’ordre sur les lieux, les tirs avaient déjà cessé. Le tireur s’était donné la mort au 33e étage, après avoir tué quatre personnes, dont une femme, cadre de la firme Blackstone, et un policier originaire du Bangladesh. Le suspect a été identifié comme Shane D. Tamura, un citoyen américain de 27 ans, domicilié à Las Vegas, d’où il a fait le voyage pour New York. Des images de vidéosurveillance le montrent habillé en baskets, chemise bleue et lunettes noires, se dirigeant vers le gratte-ciel d’un pas sûr, sans chercher à dissimuler l’arme qu’il tient au poing. Ce qui signifie que Tamura s’engageait dans une mission suicide, sans projet d’en réchapper.
Tamura voulait s’attaquer à la NFL
Tamura est arrivé sur les lieux du crime à bord d’une BMW noire dans laquelle les enquêteurs ont trouvé tout un arsenal, dont un étui à fusil, un revolver chargé, des chargeurs de munitions, un sac à dos et des médicaments. Aucun explosif n’y a été détecté. Sur le corps du suspect lui-même, une lettre de trois pages a été retrouvée dans son portefeuille. Dans cette note, le tireur demande que son cerveau soit examiné pour une ETC et accuse la NFL d’avoir dissimulé les dangers du football américain pour le cerveau. « Tu ne peux pas aller contre la NFL. Ils t’écraseront. », a-t-il écrit notamment.
Une employée de la NFL grièvement blessée dans l’attaque
Shane Tamura cherchait donc à s’attaquer à la NFL, la ligue de football américain, dont des bureaux sont situés dans la tour visée. « Il semble qu’il voulait s’en prendre aux employés de la NFL », a confirmé le maire de New York Eric Adams à l’antenne de la chaîne locale Fox. Mais le jeune homme s’est trompé d’étage, visant d’autres entreprises. Une employée de la NFL a quand même été « blessée grièvement » dans l’attaque, a indiqué le patron de la fédération Roger Goodell. Pourquoi Tamura visait-il la ligue professionnelle, alors qu’il n’y a jamais évolué ? Selon des sources, il a joué au football américain au lycée de Californie. Un article paru en 2014 dans le Santa Clarita Valley Signal le qualifiait même de très bon joueur.
La gestion d’une pathologie appelée ETC au cœur du drame
Au-delà de son propre cas d’amateur, Shane Tamura semble avoir agi au nom de toutes les victimes de la négligence ou de l’indifférence de la NFL concernant la santé des athlètes. Dans la note laissée dans son portefeuille, le tireur cite d’ailleurs Terry Long, un ex-joueur des Steelers de Pittsburgh qui s’est suicidé en 2005 et dont le cerveau a ensuite été étudié par le médecin Bennet Omalu.
Ce neuropathologiste a été le premier à avoir publiquement identifié l’ETC chez les sportifs américains. L’ETC, l’encéphalopathie traumatique chronique, est une maladie cérébrale dégénérative. Elle entraîne souvent de la dépression, de la paranoïa, des tendances suicidaires et de la démence. Cette pathologie ne peut être décelée que sur des individus vivants.
Plusieurs joueurs qui se sont suicidés présentaient des lésions liées à l’ETC
L’ETC est généralement associé aux athlètes pratiquant des sports de contact, comme le football et le hockey sur glace. Ces pratiques induisent des commotions cérébrales et des coups à la tête fréquents. Depuis les années 2000, l’ETC plombe la vie des joueurs de football américain et de hockey. Aaron Hernandez des New England Patriots s’est suicidé en 2017 et les médecins ont découvert qu’il souffrait d’un cas grave d’ETC. En 2021, un autre ex-joueur professionnel de football américain, Phillip Adams, avait abattu six personnes avant de se donner la mort. Un examen post-mortem de son cerveau avait repéré des signes de lésions liées à l’ETC.
Des athlètes ont accusé la NFL d’avoir exercé son pouvoir pour obtenir la suppression de la recherche sur l’ETC
Face aux drames qui se multiplient, les chercheurs ont commencé à s’intéresser à cette pathologie. Une étude récemment publiée par l’Université Harvard, et menée auprès de 1 980 footballeurs professionnels retraités ayant joué entre 1960 et 2020, a révélé qu’un tiers d’entre eux pensaient souffrir d’ETC compte tenu de divers symptômes dont ils étaient sujets.
Mais ce type d’enquête est assez rare. D’anciens joueurs et des associations de défense des athlètes ont accusé la NFL d’avoir exercé son pouvoir pour obtenir la suppression de la recherche sur l’ETC. En 2016, une commission du Congrès a indiqué que l’organisation avait « tenté d’influencer le processus de sélection des subventions » pour des études sur les lésions cérébrales.
La NFL réagit aux critiques
Sur la base de ce rapport et des quelques études disponibles, d’anciens joueurs ont poursuivi la NFL en justice pour avoir tenté de minimiser la perception publique des risques de traumatisme crânien. Une cour d’appel fédérale a scellé un accord majeur entre la ligue et des milliers de footballeurs retraités atteints de troubles neurologiques.
Face aux critiques, la NFL a instauré des règles pour des joueurs suspectés d’avoir subi une commotion cérébrale. La ligue a mis en place un protocole actualisé, comprenant cinq points à appliquer avant qu’un joueur ne puisse retourner sur le terrain après une commotion cérébrale. Elle a également élargi l’utilisation de nouveaux casques qui réduiraient les lésions.
