Longtemps chasse gardée des grands groupes et fonds spécialisés, l’économie du sport attire désormais les investisseurs particuliers. Grâce à la digitalisation et à la montée en puissance de l’engagement des fans, un nouveau modèle d’investissement est en train d’émerger, entre passion et rentabilité.
Une industrie florissante devenue terrain d’investissement
Avec un marché mondial estimé à plus de 600 milliards d’euros, l’économie du sport n’a jamais été aussi florissante. Entre les droits TV, les contrats de sponsoring, la billetterie ou encore les activités dérivées (merchandising, paris, jeux vidéo), les clubs, fédérations et entreprises liées au sport génèrent aujourd’hui des revenus colossaux. Une dynamique qui attire naturellement les capitaux.
Mais si, jusqu’à récemment, ce secteur restait le pré carré des géants financiers – fonds souverains, multinationales du divertissement, conglomérats américains ou saoudiens –, la donne change. Grâce à de nouveaux outils numériques, les particuliers peuvent désormais investir directement dans le sport professionnel ou ses infrastructures, que ce soit sous forme d’actions, d’obligations, de crowdfunding ou de jetons numériques.
Fan tokens, crowdfunding, bourses : la diversification de l’économie du sport
Le développement des technologies blockchain et des plateformes de financement participatif a élargi l’accès à des produits d’investissement alternatifs, parfois adossés à des émotions très concrètes. Parmi les exemples les plus emblématiques, on retrouve les fan tokens, jetons numériques émis par des clubs comme le PSG, le FC Barcelone ou la Juventus, qui permettent aux supporters de participer à certaines décisions du club tout en spéculant sur leur valeur.
Autre modèle : le crowdfunding sportif, qui permet à des supporters ou passionnés d’entrer au capital de projets locaux, comme la rénovation d’un stade, la création d’un club ou la formation de jeunes talents. Des plateformes comme SportFunding ou Tifosy facilitent ce type de levée de fonds ciblée, avec un ticket d’entrée parfois inférieur à 100 euros.
Enfin, certains clubs professionnels – notamment dans le football anglais ou le basketball américain – ouvrent leur capital en bourse, offrant ainsi une porte d’entrée classique aux investisseurs. Manchester United, Borussia Dortmund ou encore l’Olympique Lyonnais ont ainsi fait leur entrée sur les marchés, avec plus ou moins de succès.
Le double pari : rentabilité… et passion
Investir dans le sport ne repose pas seulement sur une logique financière. Il s’agit aussi, souvent, d’un acte de passion ou de fidélité émotionnelle. Pour beaucoup d’investisseurs particuliers, soutenir leur club de cœur est un prolongement de leur engagement de fan. L’attachement affectif devient alors une motivation aussi forte que le rendement escompté.
Mais cette proximité peut aussi s’avérer piégeuse. Car si le sport est rentable à grande échelle, il reste un secteur instable, où les performances sportives influencent directement les résultats économiques. Un mauvais classement, une blessure de star ou un scandale extra-sportif peuvent ruiner une saison… et un investissement.
La prudence est donc de mise. Comme le rappelle l’économiste du sport Jean-Pascal Gayant : « Investir dans un club de foot ou un token sportif, c’est un peu comme acheter une œuvre d’art : ça a une valeur subjective très forte, mais ce n’est pas toujours rationnel économiquement. »
Une régulation encore à construire pour l’économie du sport
La montée en puissance des investisseurs particuliers dans le sport soulève également des questions réglementaires. Faut-il encadrer davantage la vente de produits financiers adossés à des clubs ? Les fan tokens relèvent-ils du marché des crypto-actifs ou de la spéculation pure ? Le statut d’actionnaire minoritaire d’un supporter peut-il influencer la gouvernance d’un club ?
Autant de débats encore ouverts, notamment en Europe, où certaines institutions sportives s’inquiètent de la fragilité de certains modèles émergents. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) reste pour l’instant prudente, tout en appelant à plus de transparence dans les communications financières des clubs et des plateformes.
Une nouvelle ère pour le financement de l’économie du sport
Au-delà des risques, cette tendance marque un changement profond dans la manière dont le sport se finance et se vit. L’économie du sport devient plus participative, plus connectée, et potentiellement plus démocratique. Là où les clubs dépendaient autrefois des subventions ou de quelques mécènes, ils peuvent désormais mobiliser leurs propres communautés pour financer leur croissance.
Ce phénomène touche également les disciplines moins médiatisées. Cyclisme, rugby, handball ou sports émergents peuvent, via ces nouveaux canaux, attirer des capitaux là où les grandes banques ne s’aventuraient pas. Une opportunité pour diversifier les revenus, fidéliser les fans et renforcer l’ancrage local des clubs.