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Fatigue, blessures, burn-out : les footballeurs à bout de souffle

Youcef Belaïli

Youcef Belaïli

Entre les championnats nationaux, les coupes, les compétitions internationales et les tournées estivales, le calendrier du football ne cesse de s’alourdir. À tel point que joueurs et entraîneurs tirent la sonnette d’alarme. En surchauffe permanente, le football professionnel impose une grosse fatigue physique et mentale de ses principaux acteurs.

Une saison sans fin

Juin 2025. Pendant que certains profitent de leurs vacances estivales, la majorité des footballeurs professionnels n’ont qu’une poignée de jours pour souffler. Ceux qui ont disputé l’Euro ou la Copa América, enchaînent à peine quelques semaines de repos avant la reprise des entraînements avec leur club. Et pour les meilleurs d’entre eux, l’agenda est un casse-tête : championnat, Ligue des champions, coupes nationales, trêves internationales, sans oublier la Coupe du monde des clubs version 32 équipes, désormais insérée dans l’été.

Ce calendrier démentiel s’étale sur près de 11 mois par an, laissant à peine le temps de récupérer. Les tournées marketing aux États-Unis ou en Asie viennent parfois supplanter les stages de remise en forme, tandis que les matchs s’accumulent à un rythme jamais vu. Résultat : les organismes fatiguent, les blessures s’enchaînent et les performances s’émoussent.

Des chiffres alarmants

Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Selon une étude de l’organisme FIFPRO, syndicat mondial des joueurs, plus de 80 % des footballeurs professionnels déclarent ressentir une fatigue excessive en cours de saison. En Ligue 1, un joueur titulaire dispute aujourd’hui entre 50 et 60 matchs par an, parfois plus de 70 pour les stars européennes. À titre de comparaison, un joueur des années 1990 dépassait rarement la barre des 45 rencontres par saison.

Les blessures musculaires ont explosé. Le Real Madrid, par exemple, a compté plus de 40 absences pour blessures cette saison, un record absolu. À Manchester City, Pep Guardiola ne cesse de réclamer « du bon sens » face à la multiplication des matchs, pointant du doigt un risque de rupture physique et mentale pour ses joueurs.

Des joueurs sujets à la fatigue au bord du burn-out

Au-delà de la fatigue physique, l’usure psychologique devient une réalité préoccupante. Plusieurs stars ont publiquement évoqué leur saturation. Kylian Mbappé, dès 2023, exprimait son besoin de « souffler », appelant à une meilleure gestion des rythmes. Toni Kroos, qui prendra sa retraite après l’Euro 2024, a souvent critiqué la « logique économique » qui pousse à toujours plus de compétitions.

Certains joueurs vont jusqu’à renoncer à la sélection nationale pour préserver leur santé, à l’image de Thibaut Courtois ou de Jordan Henderson, tous deux absents de certaines échéances internationales. Un choix autrefois rare, devenu désormais compréhensible au regard de la pression constante.

Des clubs contraints de gérer l’usure et la fatigue

Conscients du danger, les clubs professionnels s’organisent pour limiter la casse. Les rotations d’effectifs, les staff médicaux renforcés, les dispositifs de récupération ultra-sophistiqués (chambres hyperbares, cryothérapie, nutrition personnalisée) deviennent monnaie courante. Mais malgré tous les moyens, la dette physique s’accumule au fil des saisons.

La Premier League, souvent citée comme le championnat le plus exigeant, voit ses clubs lutter pour maintenir un effectif compétitif de l’été à l’hiver. « On est parfois obligés de faire jouer des jeunes du centre de formation en décembre », avoue un préparateur d’un club anglais. « Parce que les titulaires ne tiennent plus debout. »

Une logique financière à contre-courant

Le paradoxe est cruel : jamais le football n’a généré autant de revenus, et pourtant les joueurs n’ont jamais été aussi exposés à l’épuisement. Les instances internationales, FIFA en tête, multiplient les compétitions pour développer les revenus TV et les droits marketing, sans intégrer pleinement les conséquences sur les acteurs du jeu.

La Coupe du monde des clubs nouvelle formule, prévue chaque été à partir de 2025, fait partie des principales inquiétudes des syndicats de joueurs. « C’est l’une des pires décisions jamais prises pour notre santé », a déclaré Kevin De Bruyne. Même les entraîneurs, traditionnellement plus mesurés, rejoignent le chœur des protestations. Jürgen Klopp, avant de quitter Liverpool, dénonçait « une folie » dans la gestion du calendrier international.

L’appel à une réforme structurelle

Face à cette réalité, une partie du monde du football appelle à une réforme en profondeur du calendrier. La FIFPRO milite pour un « plafond annuel » de matchs par joueur, tandis que certaines fédérations envisagent de limiter les participations obligatoires aux compétitions internationales pour les clubs.

Mais ces appels restent encore peu entendus. Car derrière chaque compétition, ce sont des centaines de millions d’euros en droits télé, en billetterie et en retombées économiques qui sont en jeu. Dans cette logique, le bien-être du joueur semble souvent relégué au second plan.

La fatigue, le risque de tout casser

À force de tirer sur la corde, le football professionnel s’expose à un retour de bâton. Performances en baisse, spectacles ternis, désaffections précoces, lassitude du public… La fatigue des joueurs pourrait bien devenir un frein à l’essor du sport roi. À moins qu’une nouvelle génération d’acteurs – clubs, institutions, sponsors – ne décide enfin de replacer l’humain au centre du jeu.

Et si, pour une fois, la pause devenait une victoire ?