Accusé de licenciement abusif et de harcèlement moral par son ancienne assistante Amina Tajaddine, le groupe beIN Sports — et indirectement son président Nasser Al-Khelaïfi — a vu sa position validée par le conseil des prud’hommes de Paris. Si la plaignante obtient gain de cause sur la question des heures supplémentaires, ses principales accusations ont été jugées infondées.
Une procédure à forte exposition médiatique
C’est une affaire délicate qui vient de connaître son épilogue judiciaire. Amina Tajaddine, ancienne assistante personnelle de Nasser Al-Khelaïfi pendant près de dix ans, avait saisi le conseil des prud’hommes en 2022 pour contester son licenciement et dénoncer un harcèlement moral subi durant ses années passées au sein de beIN Sports. Une démarche rendue publique par Le Parisien en novembre 2022, à travers un témoignage poignant, dans lequel elle décrivait une vie entièrement dédiée à son poste, marquée par une pression permanente et des exigences personnelles et professionnelles hors normes.
Mais ce mercredi soir, la justice a tranché : les prud’hommes de Paris ont rejeté l’essentiel des demandes formulées par la plaignante, validant le licenciement et jugeant les accusations de harcèlement moral irrecevables.
Le témoignage fort de Amina Tajaddine… mais insuffisant juridiquement
Le dossier avait retenu l’attention en raison de la nature du poste occupé par Amina Tajaddine — un rôle à la frontière entre vie personnelle et fonctions professionnelles, auprès d’un dirigeant exposé et influent. “J’étais son ombre, sa nounou, sa sœur”, racontait-elle dans Le Parisien. Elle évoquait une disponibilité totale, de jour comme de nuit, au point d’en délaisser sa propre vie familiale. “Il était impensable que mon téléphone soit éteint”, ajoutait-elle, décrivant une forme de dévotion extrême pour un employeur exigeant.
Ces éléments, bien que marquants, n’ont pas convaincu juridiquement les juges, qui ont estimé que le licenciement était fondé et régulier. Les arguments liés à un climat de travail délétère ou à une pression psychologique excessive n’ont pas été reconnus comme constitutifs de harcèlement moral, faute de preuves tangibles ou de violations graves du droit du travail.
Une compensation partielle sur les heures supplémentaires d’Amina Tajaddine
Si Amina Tajaddine ne verra pas son licenciement annulé, elle obtiendra toutefois une compensation. Le conseil des prud’hommes a condamné beIN Sports à lui verser 290.000 euros au titre d’heures supplémentaires non rémunérées depuis le début de sa prise de fonction. Une somme significative, même si elle est très inférieure au million d’euros initialement réclamé par la plaignante.
Ce volet du jugement confirme néanmoins la charge de travail inhabituelle qu’elle assumait, mais sans pour autant faire basculer le dossier sur le terrain du préjudice moral.
Une satisfaction exprimée du côté de beIN Sports
Le groupe beIN Sports, par la voix de son avocat Charles Mathieu, s’est montré satisfait de la décision. “Nous sommes ravis que le Conseil de prud’hommes ait statué en notre faveur, validant pleinement le bien-fondé du licenciement de Mme Tajaddine, et rejetant ainsi toutes les demandes formulées au titre de la prétendue nullité de celui-ci, ou encore au titre d’un prétendu harcèlement moral”, a-t-il déclaré.
Dans ce communiqué ferme, l’avocat a dénoncé “des allégations totalement infondées et délibérément exagérées”, évoquant même une “campagne de dénigrement et de diffamation médiatique parfaitement orchestrée”. Des mots forts qui traduisent la volonté du groupe de clore un épisode sensible pour son image, en particulier concernant son président Nasser Al-Khelaïfi, déjà sous le feu des projecteurs dans d’autres dossiers internationaux.
Une affaire emblématique des limites entre engagement professionnel et abus
Au-delà de l’issue judiciaire, l’affaire soulève des questions récurrentes sur la frontière floue entre implication professionnelle totale et abus de pouvoir, notamment dans des environnements très fermés, au service de dirigeants puissants.
Si le droit n’a pas reconnu de harcèlement moral dans ce cas précis, la description du quotidien d’Amina Tajaddine interroge sur les conditions de travail imposées dans certaines sphères de pouvoir, où la disponibilité permanente est considérée comme une norme implicite. La reconnaissance d’un montant important d’heures supplémentaires, bien que secondaire juridiquement, vient valider en creux une charge de travail peu commune.
Justice rendue, mais débats toujours ouverts pour le cas Amina Tajaddine
L’affaire Tajaddine se conclut sur un désaveu judiciaire pour la plaignante, sans totalement blanchir beIN Sports sur le plan moral. La validation du licenciement met fin à une procédure longue et médiatisée, mais laisse dans son sillage des interrogations sur les pratiques managériales dans les hautes sphères du sport et des médias. Pour Nasser Al-Khelaïfi et le groupe qu’il dirige, ce jugement sonne comme une victoire judiciaire, mais aussi comme un rappel des exigences qui accompagnent les responsabilités d’un employeur, même au sommet.