Non conservé par une équipe pro et redevenu amateur il y a quelques mois, Filippo Conca a renversé tous les pronostics dimanche à Gorizia. Le coureur de 26 ans a conquis le titre de champion d’Italie devant les professionnels, au terme d’un sprint magistral. Un exploit rare, aux allures de revanche.
Une victoire venue de nulle part
Le final du championnat d’Italie à Gorizia devait, sur le papier, sacrer l’un des nombreux coureurs du WorldTour engagés pour l’occasion. Alessandro Covi, Thomas Pesenti, ou un autre nom bien installé du peloton professionnel. Mais c’est finalement un visage bien moins attendu qui a franchi la ligne en premier : celui de Filippo Conca.
Ancien coureur de Lotto-Soudal, puis de la formation suisse Q36.5, Conca était pourtant sorti du circuit pro en octobre dernier, faute de prolongation. À 26 ans, il avait réintégré le monde amateur via le Swatt Club, une structure atypique créée en marge du système classique, et animée par la passion plus que par les moyens. Ce dimanche, il en est devenu le symbole.
La revanche d’un oublié
En s’imposant au sprint, Conca n’a pas seulement signé la surprise du jour. Il a aussi vengé, à sa manière, des centaines de coureurs victimes du système impitoyable du cyclisme professionnel. « Ce résultat est déstabilisant pour les équipes italiennes », a-t-il déclaré avec un sourire en coin. Et pour cause : aucun coureur pro n’a su répondre à son panache.
Reconverti dans une équipe qui regroupe des coureurs de plus de 23 ans sans contrat professionnel, l’Italien n’avait pas les jambes les moins fraîches, mais il avait surtout une motivation en plus. Celle de montrer qu’il méritait encore sa place. Et dimanche, il l’a crié avec ses jambes.
Le maillot tricolore… mais pas sur les routes pros
Ironie du sort, le tout nouveau champion d’Italie ne pourra pas porter son maillot sur les courses professionnelles. En tant que membre d’une équipe amateure, Conca est limité à ce circuit. Aucun Giro, aucun Tour des Alpes, aucune semi-classique italienne pour exhiber ce tricolore qu’il a pourtant conquis à la pédale.
Ce paradoxe en dit long sur les dysfonctionnements du cyclisme italien. Comment un coureur sans contrat pro peut-il battre les meilleurs du pays ? Et pourquoi les équipes italiennes n’ont-elles pas su le retenir ou le relancer ? L’exploit de Conca, au-delà de sa beauté sportive, pose une série de questions douloureuses pour l’avenir de la discipline.
Le Swatt Club, laboratoire d’indépendance
Derrière cette performance se cache aussi l’audace d’un modèle différent. Le Swatt Club n’est pas une équipe comme les autres. Née en 2017 du blog Solowattaggio, elle rassemble des coureurs en marge du système pro, mais animés par une même exigence. Conca y a trouvé un cadre où s’entraîner sérieusement, sans pression contractuelle, mais avec l’envie de continuer à croire.
Et ce pari improbable a fini par payer. « C’est un message d’espoir pour tous ceux qu’on écarte trop vite », glisse un membre de l’équipe. Le triomphe de Conca dépasse la ligne d’arrivée : il célèbre une certaine idée du cyclisme, artisanale, passionnée, et libre.