Un million de dollars pour la paire victorieuse, des têtes d’affiche en pagaille et un calendrier repensé : en 2025, l’US Open révolutionne le double mixte avec une formule inédite qui ne fait pas que des heureux.
Le double mixte, souvent relégué aux marges de l’attention médiatique et du public lors des tournois du Grand Chelem, s’offre une cure de jouvence spectaculaire à l’US Open. L’édition 2025 promet d’attirer les regards grâce à une opération séduction d’envergure : seize paires mixtes prestigieuses, rassemblant l’élite du tennis mondial, s’affronteront dans un tournoi anticipé et revalorisé, doté d’un prix record d’un million de dollars pour les vainqueurs.
Des couples de rêve sous les projecteurs
C’est un casting de gala que les organisateurs ont dévoilé en ce mois de juin, à deux mois du début de l’événement. Des duos comme Aryna Sabalenka-Grigor Dimitrov, Jannik Sinner-Emma Navarro, Iga Swiatek-Casper Ruud ou encore Naomi Osaka-Nick Kyrgios donneront le ton d’un tournoi taillé pour le spectacle et les réseaux sociaux. L’affiche s’annonce prometteuse : neuf des dix meilleures joueuses mondiales et autant de membres du top 10 masculin ont répondu à l’appel.
Objectif affiché : redonner de la visibilité à une discipline souvent jugée mineure, malgré son potentiel spectaculaire. « Nous voulions mettre en valeur les meilleurs joueurs et joueuses mondiaux en les associant et en les opposant dans un cadre compétitif, mais accessible », a déclaré Lew Sherr, PDG de la Fédération américaine de tennis (USTA). Pour cela, l’US Open n’a pas lésiné sur les moyens ni sur la stratégie : les matchs auront lieu dès les 19 et 20 août, au tout début de la semaine des qualifications, dans un créneau jusque-là peu médiatisé mais idéal pour attirer l’attention.
Format resserré, enjeu décuplé
Le tournoi se déroulera sur deux jours seulement, en format à élimination directe. Sur les seize équipes inscrites, seules les huit mieux classées au 28 juillet intégreront directement le tableau principal. Les huit autres devront espérer une wild card délivrée par les organisateurs. Et à l’arrivée, une récompense à la hauteur du prestige annoncé : un chèque d’un million de dollars pour la paire victorieuse, soit bien plus que la dotation habituelle pour le double mixte.
Une manière assumée de rehausser la valeur perçue de cette catégorie, souvent sacrifiée face aux matchs de simple. L’an passé encore, le tournoi de double mixte s’était déroulé dans une relative indifférence, cantonné aux fins de journée sur des courts secondaires. En 2025, il ambitionne au contraire de devenir un événement phare de la quinzaine new-yorkaise, en profitant du calme relatif précédant le tableau principal.
Les spécialistes du double vent debout
Mais cette stratégie axée sur le « star power » n’est pas sans susciter de vives critiques, notamment chez les spécialistes du double, qui y voient une forme d’exclusion déguisée. À commencer par Sara Errani, tenante du titre avec Andrea Vavassori, et lauréate cette année à Roland-Garros. « On est les champions en titre, on souhaite rejouer ce tournoi, c’est légitime », a-t-elle protesté dès le mois de mai. L’Italienne s’est dite inquiète de ne pas recevoir d’invitation, malgré son palmarès.
Plus virulente encore, la comparaison qu’elle a dressée : « Pourquoi est-ce qu’on exclut les joueurs de double ? Ce sont les spécialistes de l’exercice ! C’est un peu comme si on remplaçait les sauteurs en hauteur par des basketteurs aux Jeux olympiques. » Derrière la formule, c’est la crainte d’une marginalisation accrue d’un pan entier du circuit professionnel qui transparaît. Les joueurs de double, déjà moins médiatisés et moins bien rémunérés, pourraient voir leur discipline devenir un terrain d’exhibition pour les stars du simple.
Une vitrine ou une mascarade ?
Cette réforme soulève donc une question de fond : le double mixte est-il appelé à devenir une vitrine glamour, au risque de perdre son essence compétitive ? Ou bien cette initiative peut-elle, au contraire, servir de tremplin pour relancer l’intérêt autour d’une catégorie trop longtemps sous-estimée ?
Les organisateurs parient clairement sur le spectaculaire. En concentrant l’action sur deux jours, avec des têtes d’affiche et une récompense inédite, ils espèrent attirer les foules, sur place comme à l’écran. Reste à savoir si le public suivra, et si la greffe prendra dans un calendrier déjà très dense.
Ce qui est certain, c’est que l’US Open 2025 innove, quitte à bousculer les traditions. En promouvant un double mixte « de luxe », les dirigeants du tennis américain veulent réinventer leur produit. Mais derrière les paillettes et les grands noms, se cache un débat plus large sur la place accordée aux disciplines de l’ombre et sur l’équilibre entre performance, spectacle… et marketing.
