Après une saison tendue sur fond de guerre des droits TV et de déclarations publiques acérées, John Textor et Nasser al-Khelaïfi se retrouvent à Pasadena pour PSG-Botafogo. Si la Coupe du monde des clubs est en jeu, c’est aussi l’image du football français qui se joue en coulisses.
Le choc des champions… et des présidents
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Paris Saint-Germain défiera Botafogo à Pasadena (3h du matin heure française) pour la deuxième journée de la Coupe du monde des clubs. Un duel alléchant entre le vainqueur de la Ligue des champions et celui de la Copa Libertadores, mais également un moment fort en dehors du terrain. Car dans les tribunes du Rose Bowl californien, deux figures majeures du football mondial se retrouveront : Nasser al-Khelaïfi et John Textor.
Si leurs équipes respectives nourrissent de grandes ambitions sportives — qualification en huitièmes et jackpot financier à la clé —, les présidents, eux, ont récemment mis fin à des mois d’animosité. Un virage diplomatique bienvenu pour la Ligue 1, affaiblie par les conflits internes et la crise des droits télé.
De la guerre froide au clash médiatique
La fracture entre les deux hommes est apparue au grand jour lors de la crise des droits TV de la Ligue 1, en pleine tempête autour de la commercialisation du championnat pour la période 2024-2029. Lors d’une réunion houleuse le 14 juillet 2024, Nasser al-Khelaïfi qualifie John Textor de « cow-boy », ce dernier répliquant en le traitant de « tyran » et en dénonçant un conflit d’intérêts entre le PSG et la chaîne beIN Sports, dont Al-Khelaïfi est également dirigeant.
La séquence, révélée dans un numéro spécial de Complément d’enquête, fait le tour des réseaux sociaux. Textor enfonce le clou quelques semaines plus tard en se rendant au Groupama Stadium coiffé d’un chapeau de cow-boy pour le match OL-PSG. Le Qatarien, lui, choisit de ne pas se rendre à Lyon.
Mais le point d’orgue de cette escalade survient quand DAZN supprime une vidéo promotionnelle de Botafogo à la demande, selon Textor, du PSG. L’Américain accuse publiquement le club parisien de censure, après y avoir décrit le PSG comme une « petite équipe de Paris » dans un ton volontairement moqueur.
Labrune, artisan de la paix
Le climat semble alors durablement empoisonné. Pourtant, à mesure que la saison s’achève et que les négociations sur l’avenir économique de la Ligue 1 s’intensifient, une idée émerge : celle de tourner la page. Derrière cette détente, un homme : Vincent Labrune, président de la LFP, qui multiplie les appels et les tentatives de médiation.
C’est dans cette dynamique qu’a lieu, début mai, une rencontre discrète entre les deux dirigeants, en marge de la demi-finale retour de Ligue des champions entre le PSG et Arsenal. Al-Khelaïfi invite Textor dans sa loge au Parc des Princes. Les deux hommes échangent, discutent des enjeux du football français, puis scellent leur réconciliation par une poignée de main immortalisée sur Instagram.
« Très heureux d’être invité par le PSG à la demi-finale de la Ligue des champions », écrit Textor sur le réseau social. « Heureux également de collaborer à nouveau avec NAK, en cette période critique. » L’homme fort de l’OL insiste : « J’ai laissé mon chapeau de cow-boy à Lyon. Ce soir, je soutiens la France. »
Une entente de circonstance ?
Si l’image est forte, certains observateurs y voient une manœuvre calculée. Pour Textor, ménager Al-Khelaïfi, président de l’Association européenne des clubs (ECA), c’est aussi préserver ses intérêts, notamment à l’approche du passage de l’OL devant la DNCG et des enjeux liés à ses autres clubs comme Crystal Palace.
Le patron du PSG, lui, a fait un geste significatif : il a soutenu, auprès de l’UEFA, la demande de non-exclusion du club londonien de la Ligue Europa, en dépit des règles restrictives sur la multipropriété. Une manière de rendre la pareille et de calmer les tensions à un moment charnière.
Le PSG, de son côté, n’est finalement pas revenu à la charge sur le dossier Rayan Cherki, que Textor a vendu à Manchester City pour plus de 40 millions d’euros. Là encore, un signal d’apaisement.
Une coopération au service de la Ligue 1
Au-delà des intérêts particuliers, c’est un enjeu commun qui rassemble aujourd’hui les deux présidents : redonner de la valeur à la Ligue 1. Avec la perte de diffuseurs, la fuite des talents et l’image brouillée du championnat, le besoin de stabilité et d’unité devient vital.
Textor et Al-Khelaïfi, bien que très différents dans leur style et leur philosophie, partagent une vision : celle d’un championnat compétitif, internationalisé et attractif pour les investisseurs comme pour les fans. Une vision qui passe par des alliances ponctuelles mais stratégiques.
Une dernière explication sur le terrain ?
Reste que ce vendredi à Pasadena, chacun défendra ses couleurs. Le PSG, auteur d’un début de tournoi tonitruant avec une victoire 4-0 contre l’Atlético de Madrid, peut valider son billet pour les huitièmes de finale. Botafogo, qui a battu Seattle (2-1), joue gros aussi : un succès face au géant parisien offrirait 1,75 million d’euros de prime et une qualification estimée à 6,56 millions. Une aubaine pour Textor, qui cherche à équilibrer les comptes de l’OL en parallèle.
Dans les tribunes, les caméras scruteront les moindres gestes. Une poignée de main ? Un sourire complice ? Ou chacun de son côté ? Car si la réconciliation est actée, la rivalité sportive, elle, ne s’efface jamais totalement.