Adieu le traditionnel « Homme du match », place au « Superior Player Award », un trophée rebaptisé sous l’influence directe d’un sponsor bien connu : Michelob Ultra. Une transformation qui en dit long sur la fusion toujours plus forte entre sport et business.
Un nom qui en dit long : l’ère du « joueur supérieur »
Lors de la Coupe du monde des clubs 2025, un détail n’a échappé à aucun suiveur attentif : le trophée remis au meilleur joueur d’une rencontre n’est plus celui de l’ »Homme du match ». Désormais, c’est le « Superior Player Award » que l’on brandit fièrement devant les caméras, un changement de dénomination qui ne doit rien au hasard. Loin d’un simple rebranding esthétique, ce nouveau nom est directement lié à Michelob Ultra, marque de bière américaine devenue sponsor principal de la compétition.
Le terme « Superior », utilisé dans leur slogan (« Superior is worth playing sport »), a été opportunément recyclé dans ce nouveau trophée. L’enjeu ? Associer l’excellence sportive à l’image de la boisson. Et quoi de mieux qu’un prix visible à chaque match pour frapper les esprits ?
Un vote en direct pour renforcer l’impact publicitaire
Le mode d’attribution du trophée participe lui aussi à cette stratégie marketing. Ce sont les spectateurs qui, via l’application officielle de la FIFA, votent pour leur joueur préféré… avant même la fin du match. Une initiative qui pousse à l’engagement numérique, mais qui soulève aussi des interrogations sur la pertinence du choix final, parfois influencé par la notoriété plutôt que par la performance pure.
Michael Olise, après la démonstration du Bayern Munich face à Auckland (10-0), a reçu cette distinction, tout comme Vitinha après le large succès du PSG face à l’Atlético de Madrid (4-0). Deux performances indiscutables, certes, mais dans d’autres cas, le vote populaire pourrait laisser plus de place à l’émotion qu’à l’analyse.
Une stratégie publicitaire bien rodée
Michelob Ultra ne s’est pas contentée de prêter son nom à un trophée. La marque, propriété d’AB InBev, a investi massivement dans la Coupe du monde des clubs : publicités omniprésentes dans les stades, slogans géants sur les écrans, et même un spot avec Lionel Messi diffusé avant chaque rencontre. La Pulga, déjà ambassadeur de la marque depuis plusieurs années, y joue au foot dans un hôtel de luxe, enchaînant les gestes techniques dans une ambiance décontractée.
La marque américaine n’en est pas à son coup d’essai. Elle s’était déjà illustrée lors de la Copa America 2024, et a d’ores et déjà signé pour les Jeux olympiques de Los Angeles 2028. Un positionnement assumé qui s’inscrit dans une stratégie globale : devenir la bière du sport mondial.
La bière, nouveau partenaire incontournable du football
Si Michelob Ultra occupe aujourd’hui le devant de la scène, elle marche dans les pas d’autres géants du secteur. On se souvient de Budweiser, autre marque américaine, sponsor officiel de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Une campagne qui avait tourné au casse-tête après l’interdiction de la vente d’alcool aux abords des stades par les autorités qatariennes. Résultat : une présence réduite aux fan zones, sur des horaires strictement encadrés. En revanche, la marque a bien pu apposer son nom sur le trophée de l’homme du match de chaque rencontre, garantissant malgré tout une visibilité mondiale.
Autre exemple récent : Guinness. Depuis la saison 2024-2025, la marque irlandaise est devenue « bière officielle » de la Premier League. Elle y décerne notamment le « But du mois », un autre trophée symbolique qui assure une présence constante dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce partenariat est prévu jusqu’en 2028, preuve que l’alliance entre bière et ballon rond est partie pour durer.
Quand le sport devient une vitrine commerciale
Derrière ces opérations marketing se pose une question plus large : celle de la place grandissante du sponsoring dans les grandes compétitions sportives. Le changement de nom du trophée d’homme du match n’est qu’un symptôme parmi d’autres d’un sport de haut niveau de plus en plus façonné par les logiques commerciales.
Certains y voient une modernisation bienvenue, un moyen de financer des compétitions coûteuses tout en rendant le spectacle plus interactif. D’autres dénoncent une perte de sens, où le langage marketing prend le pas sur les traditions sportives. Après tout, un trophée nommé « Superior Player Award », voté avant la fin du match, est-il encore une récompense purement sportive ?
Une tendance amenée à se généraliser ?
Ce changement pourrait bien faire des émules. En alignant la terminologie des trophées sur des slogans publicitaires, les marques s’assurent une mémorisation maximale. Le risque ? Voir disparaître peu à peu des expressions ancrées dans la culture populaire du football, comme le célèbre « man of the match », au profit de formules calibrées pour le branding.
Mais tant que le football continuera à rassembler des millions de spectateurs à travers le monde, les sponsors auront de bonnes raisons de s’y associer. Et les instances, toujours à la recherche de revenus supplémentaires, ne seront pas les dernières à répondre à l’appel.
Conclusion : le jeu en vaut-il la chandelle ?
Le « Superior Player Award » n’est pas qu’un simple changement de nom. Il incarne une tendance de fond : l’influence croissante des sponsors sur la narration même du sport. Si l’on peut saluer l’originalité du dispositif et l’implication du public, on peut aussi s’interroger sur les limites de cette marchandisation du football. Car si tout devient prétexte à placement de produit, que restera-t-il de l’authenticité du jeu ?