Du Bernabéu à Paris, en passant par les terrains olympiques, les stars du foot renouent avec une esthétique oubliée : le maillot dans le short. Une tendance qui mêle superstition, tradition, marketing et affirmation de soi.
Longtemps réservé aux arbitres et aux photos d’archives des années 1980, le maillot rentré dans le short fait un retour remarqué sur les terrains européens. Kylian Mbappé, Jude Bellingham, João Neves ou encore Jean-Philippe Mateta ont tous adopté ce look rétro devenu, au fil des mois, un véritable phénomène de style. Derrière ce geste a priori anodin se cachent des raisons profondes et parfois inattendues, entre superstition, héritage personnel et image publique.
Mbappé change de look et double ses stats
Tout commence lors d’un moment de doute. Fin 2024, Kylian Mbappé traverse une période compliquée : deux penalties manqués, des défaites douloureuses, et un Real Madrid fébrile. Puis, sans crier gare, le Français rentre son maillot dans son short lors d’un match contre Gérone. Ce changement de look, moqué sur Instagram par ses proches, coïncide pourtant avec une spectaculaire remontée en puissance.
Avant ce match, Mbappé affichait une moyenne de 0,57 but par match en Liga. Après l’apparition de son nouveau style, il bondit à 1,05 but par match, inscrivant 23 de ses 31 buts de la saison dans cette configuration. La coïncidence est trop belle, la superstition prend racine. D’autres stars madrilènes suivent, ou le précèdent : Jude Bellingham, Eduardo Camavinga, Endrick, Éder Militao… tout le vestiaire ou presque adopte la coupe rétro.
Ni obligation, ni hasard
Contrairement à certaines idées reçues, la loi 4 de l’International Football Association Board (IFAB), qui régit l’équipement des joueurs, n’exige pas que le maillot soit porté dans le short. C’est donc un choix personnel, un code esthétique que chacun interprète à sa manière. Pour João Neves, le milieu portugais du PSG, cette habitude est presque un réflexe conditionné.
« Au centre de préformation, on devait toujours jouer avec le maillot rentré et les chaussettes sous le genou. Depuis, j’ai gardé cette habitude. Je me sens bien comme ça, et c’est devenu ma marque de fabrique », explique-t-il dans une interview donnée à Benfica, son club formateur. Une manière de rester fidèle à ses racines, mais aussi de se distinguer.
Mateta, Endrick : le style pour affirmer son identité
Du côté d’Endrick, la réapparition du look old school correspond à un tournant dans sa carrière. Après une période plus relâchée stylistiquement, le jeune Brésilien revient au maillot rentré en 2022, juste après la signature de son contrat avec le Real Madrid. Une façon de marquer le changement de statut, de soigner son image et de s’inscrire dans une lignée prestigieuse.
Même logique pour Jean-Philippe Mateta, buteur vedette de l’équipe de France olympique en 2024. Son maillot rentré, associé à un short porté très haut, a fait sensation durant les Jeux. « Quand je joue comme ça, je suis dans le bon mood », a-t-il confié sur YouTube. Une dégaine assumée, presque théâtrale, qui a marqué les esprits autant que ses cinq buts.
La mode vintage revient sur le terrain
Le phénomène ne se limite pas à quelques individualités. Il reflète aussi une tendance de fond : le retour en grâce de la mode des années 80-90 dans le football. « On voit de plus en plus de rééditions de crampons anciens, de maillots rétro. Les joueurs s’en inspirent aussi dans leur manière de s’habiller sur le terrain », analyse Pierre-Alain Perennou, responsable éditorial chez Footpack.
Ce n’est pas un hasard si des icônes comme Zinédine Zidane, Ronaldo, ou même Platini, jouaient avec le maillot dans le short. À l’époque, c’était la norme. Puis, les années 2000 ont privilégié les tenues amples, les maillots flottants, les chaussettes hautes. Aujourd’hui, le balancier revient à son point de départ. Le football, comme la mode, est un éternel recommencement.
Se démarquer dans un monde uniformisé
Dans un univers où chaque joueur porte un maillot identique à celui de ses coéquipiers, les détails vestimentaires deviennent essentiels pour affirmer sa singularité. Le choix de rentrer le maillot dans le short, d’en relever le col, de porter les chaussettes plus basses, tout cela participe à la construction d’une image reconnaissable.
« Les footballeurs sont des marques à part entière. Tout ce qu’ils portent, sur et en dehors du terrain, est analysé, copié, monétisé », rappelle un spécialiste du marketing sportif. Ainsi, un geste aussi simple qu’un maillot rentré peut devenir un élément de différenciation. Et quand les performances suivent, comme pour Mbappé ou Mateta, le style devient légitime.
Entre superstition et storytelling
Rien ne prouve que rentrer son maillot dans le short améliore les performances. Mais dans un sport où la psychologie joue un rôle immense, ce genre de rituel peut faire la différence. À l’heure où les statistiques sont scrutées au millimètre, les joueurs cherchent aussi des repères symboliques, des gestes fétiches, des signes de confiance en soi.
Et si le foot moderne se nourrissait autant de data que de storytelling ? En attendant une éventuelle étude sur le lien entre position du maillot et efficacité offensive, une chose est sûre : le style rétro a retrouvé sa place sur les pelouses. Et les short courts, eux aussi, n’ont pas dit leur dernier mot.