Sous les applaudissements du peloton et les regards émus des suiveurs, Romain Bardet a mis un terme à sa carrière professionnelle ce dimanche, à l’arrivée de la dernière étape du Critérium du Dauphiné 2025. Éreinté, mais heureux, le grimpeur au style unique laisse derrière lui onze victoires, deux podiums sur le Tour de France, et surtout, une trace indélébile dans le cœur des amateurs de cyclisme.
Une dernière montée, une dernière course, un dernier sourire
La scène était à la fois simple et bouleversante. Romain Bardet, 34 ans, l’un des visages les plus marquants du cyclisme français de la dernière décennie, a bouclé dimanche la toute dernière course de sa carrière professionnelle. C’était prévu, annoncé, mais cela n’a rien enlevé à l’émotion du moment. Derrière le peloton, sur les pentes du col du Mont-Cenis, le grimpeur au tempérament discret, mais farouchement combatif, s’est laissé décrocher. Il avait pourtant prévenu : il voulait “profiter une dernière fois”.
Dans sa roue, son fidèle coéquipier Chris Hamilton. Les deux hommes franchissent la ligne ensemble, à l’écart du tumulte de la lutte pour le classement général. Bardet sourit, plaisante avec les caméras, même quand les jambes brûlent. Car à cet instant, c’est la tête qui domine : « Je n’arrive plus à souffrir pour une 15e place », confiait-il quelques minutes plus tard à Eurosport. « Je suis épuisé… Le réservoir est vide. »
Une carrière exemplaire, marquée par le panache et la fidélité
L’histoire de Romain Bardet est celle d’un coureur à part. Pas de palmarès clinquant, pas de Tour remporté, mais une constance, une droiture et une élégance qui ont su toucher un public au-delà des simples amateurs de cyclisme. Deuxième du Tour de France en 2016, troisième en 2017, vice-champion du monde en 2018, Bardet a souvent côtoyé les sommets sans jamais les dominer. Mais il l’a toujours fait avec courage, sans calcul, souvent à l’attaque, toujours respecté.
Son nom est aussi lié à une certaine idée du cyclisme français. Celle d’une génération de grimpeurs pugnaces, portée par des coureurs comme Thibaut Pinot, Warren Barguil ou encore Pierre Rolland. À l’heure où l’hégémonie slovène et danoise a redessiné la hiérarchie mondiale, Bardet incarnait ce romantisme sportif que beaucoup regrettent déjà.
Un adieu sobre et digne, comme lui
Pas de larmes, pas de grand discours. Juste une haie d’honneur, formée par le peloton au départ de cette dernière étape du Dauphiné. Un hommage silencieux, mais éloquent, pour un homme qui a toujours préféré l’action aux mots. Dans sa ville natale de Brioude, les hommages ont déjà commencé plus tôt dans la semaine. Là où tout a commencé, là où son amour du vélo s’est forgé.
Face aux micros, Bardet reste égal à lui-même : pudique, mais sincère. “Je vais être content de retrouver les miens”, glisse-t-il avec un sourire en coin. Fatigué par l’exigence d’un sport total, il évoque la liberté retrouvée de ne plus devoir penser à « la prochaine course, le prochain planning, le prochain entraînement. » Après plus d’une décennie à jongler avec la pression, les sacrifices et la souffrance, le cycliste redevient un homme comme les autres.
Une reconversion déjà dans les tuyaux
Romain Bardet n’aura pas le temps de s’ennuyer. Dès le mois de juillet, il sera à nouveau sur les routes du Tour de France… mais cette fois, à moto et micro à la main. Consultant pour Eurosport, il apportera son regard d’ancien coureur, sa science de la course et son ton posé. Une transition douce vers une nouvelle vie, tout en gardant un pied dans ce monde du cyclisme qui l’a tant façonné.
Il faut dire que Bardet a toujours été apprécié pour son analyse fine, sa culture du sport et son sens de la nuance. En plateau comme dans les commentaires, nul doute qu’il saura faire entendre une voix singulière, loin des envolées faciles.
Un palmarès modeste, mais une aura immense
Onze victoires en carrière, ce n’est pas ce que retiendra l’histoire. Car Romain Bardet a offert bien plus que des bouquets. Il a donné aux fans du cyclisme des frissons, des émotions, des attaques osées, parfois dans des moments désespérés, mais toujours avec panache. Il a fait vibrer la France lors des étapes de montagne, a porté le maillot à pois, et a su gagner le respect de ses pairs sur les routes les plus dures du calendrier mondial.
Il aura aussi marqué les esprits par son attachement à une certaine éthique, refusant toujours la facilité ou les raccourcis. Bardet a incarné une forme de romantisme à l’ancienne dans un peloton de plus en plus professionnalisé, robotisé. C’est peut-être cela, plus que ses résultats, qui lui vaut aujourd’hui une telle reconnaissance.
Pas de triomphe hollywoodien, pas de fin en apothéose. Juste un homme qui sait qu’il a tout donné, qui accepte avec sérénité de passer le relais. Romain Bardet quitte le peloton avec le sentiment du devoir accompli. Son départ laisse un vide, certes, mais aussi une empreinte profonde. Et si son compteur de victoires s’est figé, sa popularité, elle, n’a jamais été aussi forte. Merci Romain.