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Kevin Mayer : l’incertitude d’un retour au sommet

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Gravement blessé à un tendon de la cuisse un an avant les Jeux de Paris 2024, Kevin Mayer n’a plus foulé la piste depuis. Refusant l’opération, le recordman du monde du décathlon joue contre la montre et contre son corps. Le revoir au plus haut niveau est aujourd’hui une question qui reste entière.

Le rêve brisé d’un enfant de l’athlétisme

C’était une image déchirante pour tout amateur d’athlétisme. Le 7 juillet 2024, au meeting de Paris, Kevin Mayer s’effondrait sur le 110 mètres haies, la main sur la cuisse gauche, les larmes aux yeux. À trois semaines des Jeux olympiques organisés dans son propre pays, le décathlonien de 32 ans voyait s’envoler son plus grand rêve : briller à Paris devant son public. Le diagnostic tombait comme un couperet : désinsertion quasi-totale du tendon du semi-membraneux de l’ischio-jambier gauche. Une blessure lourde, rare et extrêmement handicapante pour un athlète d’élite.

Depuis ce jour, Kevin Mayer n’est plus apparu en compétition. Et malgré les mois qui passent, son état demeure incertain. La principale raison : il a fait le choix de ne pas se faire opérer.

L’opération, une fenêtre qui se referme vite

Selon de nombreux spécialistes, dont le docteur Éric Noël, la désinsertion d’un tendon chez un sportif de haut niveau appelle systématiquement une intervention chirurgicale rapide. “Quand le tendon lâche, le muscle se rétracte et se colle souvent au nerf sciatique. Il y a des douleurs dans la fesse, le bas du dos, et surtout une perte de puissance”, explique le rhumatologue. Selon lui, après trois à quatre semaines sans opération, il est “trop tard” pour intervenir sans prendre de risques majeurs, notamment pour la vie quotidienne du patient.

Kevin Mayer et son entourage ont pourtant décidé de suivre une autre voie. Ils ont consulté, hésité, espéré une alternative. Mais l’urgence chirurgicale est désormais dépassée, et les possibilités de revenir un jour à 100 % s’amenuisent.

La peur de l’échec et l’exemple Bosse

Si Mayer a préféré éviter le bistouri, c’est peut-être aussi en observant ce qu’a vécu un autre champion français : Pierre-Ambroise Bosse. Lui aussi victime de blessures à répétition aux ischios-jambiers, il a longtemps évité l’opération avant de céder en 2022. Résultat ? Une reprise trop rapide, une nouvelle rechute, et une carrière définitivement freinée. “Je comprends que ça fasse peur. L’anesthésie, les béquilles, la rééducation, tout ça n’est pas anodin. Et quand on revient, on n’a plus la même explosivité”, confie Bosse. “Aujourd’hui, je peux courir, mais sprinter, c’est fini.”

Ce genre de témoignage, mêlé aux risques d’une opération tardive sur le nerf sciatique, peut expliquer les choix du double vice-champion olympique. Pourtant, les solutions alternatives restent limitées.

Des traitements palliatifs, pas des remèdes

À défaut d’opération, Mayer suit un protocole de soins variés : gestion de la douleur, renforcement musculaire adapté, étirements, et techniques comme le dryneedling – des micro-perforations du muscle pour stimuler la cicatrisation. Mais ces approches, comme le reconnaît le docteur Noël, ne sont que “des soins palliatifs”. Le mal est profond, et la récupération incertaine. “Tu passes plus de temps à gérer tes douleurs qu’à vraiment t’entraîner”, souligne Bosse. “Tu dois miser sur ton talent et ton expérience, mais à un moment, ça ne suffit plus.”

Mayer, lui, continue malgré tout à s’activer. On l’a vu pratiquer le padel, le basket, ou encore le tennis de table avec les frères Lebrun. Preuve que l’homme reste sportif dans l’âme, mais aussi que son corps refuse toujours les efforts explosifs qui font la spécificité du décathlon.

L’horizon bouché pour 2025, la lueur de 2028 ?

À 33 ans, le Montpelliérain doit faire face à une saison 2025 quasiment blanche. Pour participer aux prochains championnats du monde de Tokyo en septembre, il lui faudrait réussir un décathlon qualificatif cet été. Pour l’heure, aucun n’est prévu. Le scénario ressemble tristement à celui de l’année 2024, où plusieurs tentatives de retour avaient échoué (Australie, San Diego), jusqu’au sursaut aux championnats d’Europe de Rome, décisif pour décrocher son ticket olympique. Un billet qu’il n’a finalement jamais pu honorer.

Derrière les incertitudes médicales, c’est toute la carrière d’un immense champion qui vacille. Mayer le sait. Et pourtant, il ne lâche rien. “Je suis un battant, je sais que je reviendrai. Je ne sais pas quand, mais je sais que je reviendrai”, affirmait-il récemment dans L’Équipe.

Le sport français retient son souffle

En France, rares sont les athlètes à incarner autant l’excellence que Kevin Mayer. Recordman du monde du décathlon, double champion du monde, deux fois médaillé d’argent aux Jeux, Mayer est un symbole. Un exemple de détermination, de perfectionnisme et d’engagement. Son retour sur les pistes n’est pas seulement une question de performances, mais aussi un espoir pour tout un sport.

Et si le rendez-vous de Paris 2024 s’est refermé dans la douleur, celui de Los Angeles 2028 pourrait encore offrir une scène de rédemption. “C’est complètement possible qu’il soit champion olympique en 2028”, assure Pierre-Ambroise Bosse. Un pari fou ? Peut-être. Mais avec Kevin Mayer, rien n’a jamais été impossible.