Il est Espagnol, champion, solaire… et un peu Français. Derrière le triomphe de Carlos Alcaraz à Roland-Garros, se cache une ascendance méconnue : le prodige du tennis mondial possède des racines mosellanes et franc-comtoises. Une parenthèse inattendue dans l’arbre généalogique du nouveau prince de la terre battue.
Dimanche, il a soulevé la Coupe des Mousquetaires pour la deuxième fois, après une finale d’anthologie face à Jannik Sinner. Carlos Alcaraz, 22 ans, incarne la nouvelle génération du tennis mondial, conquérante, explosive et déjà riche de cinq titres du Grand Chelem. Si son nom, son accent et son style évoquent immanquablement l’Espagne, pays dont il est originaire et où il réside, le champion cache pourtant une facette bien plus inattendue : des racines françaises. Et pas n’importe où : dans l’est du pays, entre Moselle et Doubs.
Une enquête généalogique qui en dit long
C’est une plateforme de généalogie en ligne, MyHeritage, qui a révélé cette information en 2022. À travers un travail d’investigation sur les origines des grands champions, le site a mis au jour l’existence d’ancêtres français du côté maternel de Carlos Alcaraz. Loin d’être une simple curiosité, cette découverte raconte aussi une part d’histoire franco-espagnole faite d’exils, de trajectoires ouvrières et de transmissions.
Né à El Palmar, dans la région de Murcie, Carlos Alcaraz est le fils de Carlos Alcaraz senior et de Victoria Escandon. C’est de cette dernière que vient le sang français : sa propre grand-mère, Victoria Escandon Egler, descend d’un couple venu de l’Est de la France au XIXe siècle.
Jean-Nicolas Egler et Marie-Eugénie Jeannot, les pionniers
L’histoire commence en 1859 à Gondrexange, en Moselle. Jean-Nicolas Egler y voit le jour dans un territoire encore français. Ouvrier sur les chemins de fer, il épouse Marie-Eugénie Jeannot, née en 1840 à Besançon, dans le Doubs. Elle est lingère. Leur union, célébrée en 1858 à Baumes-les-Dames, les mènera jusqu’à Malaga, en Andalousie. Ce déplacement s’inscrit dans un mouvement migratoire classique de l’époque : de nombreux ouvriers français partaient chercher du travail en Espagne, notamment dans les secteurs ferroviaires et industriels en pleine expansion.
Mais Jean-Nicolas Egler reste profondément attaché à sa terre natale. Lorsque la Moselle est annexée par l’Allemagne en 1872, à la suite de la guerre franco-prussienne, il choisit de conserver la nationalité française malgré son exil volontaire dans le sud de l’Espagne. Un choix lourd de sens, qui rattache encore aujourd’hui ses descendants à l’histoire de France.
Une lignée franco-espagnole qui mène à un champion
De ce couple naît Carlos Egler Yeanot, qui épouse une Espagnole, Maria Harillo Ruiz. Leur descendance est pleinement espagnole, mais le nom Egler, typiquement lorrain, traverse les générations jusqu’à Victoria Escandon Egler, grand-mère maternelle de Carlos Alcaraz. La famille s’est intégrée depuis longtemps dans le tissu social espagnol, mais cette branche française n’a jamais totalement disparu de la mémoire familiale.
Le dernier représentant connu de la lignée française est mort en 1962, plus de quarante ans avant la naissance de Carlos. Mais des cousins éloignés pourraient toujours vivre aujourd’hui dans l’Est de la France, ignorant peut-être qu’un membre de leur arbre généalogique est devenu l’un des plus grands noms du tennis mondial.
Un clin d’œil à l’histoire… et à Yannick Noah
Dans un pays où le tennis masculin attend désespérément un successeur à Yannick Noah, sacré à Roland-Garros en 1983, la révélation des origines françaises d’Alcaraz provoque une forme de tendresse amusée. Certains fans y voient une filiation symbolique : la France n’a pas produit son nouveau champion, mais elle lui a peut-être fourni quelques gènes.
Plus sérieusement, cette parenté illustre la porosité des frontières, la richesse des héritages croisés, et le fait que les champions, malgré les drapeaux qu’ils arborent, sont souvent les enfants d’histoires multiples. À l’heure où Carlos Alcaraz éblouit la planète tennis, la France peut, avec humour et un brin de fierté, revendiquer un petit morceau de son ascension.
Un attachement discret, mais réel
S’il n’a jamais été revendiqué publiquement par le joueur, ce lien avec la France n’est pas nié non plus. À l’annonce de cette ascendance, en 2022, l’entourage d’Alcaraz s’était contenté d’un sourire : « Carlos est 100 % espagnol… mais il aime la France, surtout Roland-Garros. » Une déclaration qui prend aujourd’hui tout son sens, après un deuxième sacre parisien arraché au bout de l’effort, dans l’un des matchs les plus intenses de l’ère moderne.
De Gondrexange à la terre ocre de Roland, il y a près de deux siècles de distance. Mais les trajectoires humaines, parfois, prennent des détours inattendus pour revenir en pleine lumière. Carlos Alcaraz, champion espagnol au cœur français, en est la parfaite illustration.