Les soupçons d’arrangements entre coureurs sont une vieille rumeur du cyclisme professionnel. Mais lorsqu’un coureur en activité évoque ouvertement, à demi-mot, l’existence de pactes entre échappés, la parole prend un tout autre poids. C’est le cas de Dries De Bondt, dont les récentes déclarations sur le Giro ont semé le doute, relançant les débats sur les limites de l’éthique en course.
Des arrangements qui font tiquer
Interviewé par Het Laatste Nieuws, Dries De Bondt, ancien champion de Belgique et membre de l’équipe Alpecin-Deceuninck, est revenu sur son expérience dans les échappées lors du dernier Giro. Jusqu’ici, rien d’inhabituel. Mais une phrase a particulièrement attiré l’attention :
« Si tu es dans le coup, quelque chose de sérieux peut en sortir. Mais il faut avoir les bons contacts. »
Loin d’une simple anecdote sur la dynamique des échappées, cette déclaration laisse entendre qu’un réseau tacite — ou explicite — de « bons contacts » pourrait jouer un rôle déterminant dans les chances de victoire d’un coureur échappé. Autrement dit, que certaines étapes ne se gagneraient pas uniquement à la pédale.
Le poids des arrangements dans les échappées
Il n’est un secret pour personne que, dans les échappées, les ententes de circonstance sont fréquentes. On se relaye, on négocie, parfois même on se regarde en chien de faïence jusqu’à la ligne d’arrivée. Mais là où De Bondt franchit un cap, c’est dans l’évocation d’un système organisé d’arrangements préalables :
« Il y a des coureurs qui parlent entre eux, qui s’organisent. Parfois, il suffit d’un regard. »
Cette allusion à des pactes implicites suggère que certaines étapes, ou du moins leur issue, pourraient faire l’objet d’accords verbaux voire tacites. Non pas illégaux au sens strict, mais moralement ambigus. Et dans un sport où l’histoire récente reste marquée par les scandales de dopage et de triche, chaque mot compte.
Zone grise ou triche déguisée ?
Techniquement, rien dans les propos de De Bondt ne constitue une infraction au règlement. Le cyclisme autorise les alliances temporaires, tant qu’elles n’impliquent pas de rétribution ou de tricherie manifeste. Mais le sous-entendu d’un « club informel » entre échappés aguerris, se répartissant les efforts (et parfois les victoires), alimente un malaise plus profond : celui d’un sport où la course n’est pas toujours une page blanche au départ.
Et si les rôles sont distribués à l’avance ? Et si certains coureurs savent qu’ils ne gagneront pas, mais servent de lièvres à ceux qui sont « dans le coup » ? Cela soulève des questions sur l’équité sportive et la sincérité de certaines étapes.
Réactions prudentes dans le peloton
Pour l’instant, peu de réactions officielles ont suivi les propos du Belge. Dans le peloton, ces allusions sont connues mais rarement commentées publiquement. Le silence, dans ce cas, vaut souvent reconnaissance tacite. Certains anciens coureurs comme David Moncoutié ou Thomas Voeckler ont déjà évoqué des arrangements ponctuels entre échappés — du type « tu prends la victoire, je prends les points » — mais ils insistaient sur le caractère spontané et opportuniste de ces tractations.
Avec De Bondt, on a l’impression d’un système plus structuré, presque stratégique. Et cela change la perspective.
Le cyclisme face à ses vieux démons
Le cyclisme a beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce à des jeunes talents qui bousculent les habitudes. Mais il reste un sport d’usure, de logique collective et d’héritages. Les confidences de De Bondt résonnent comme un rappel : derrière la beauté des attaques et la noblesse des échappées, il existe des zones d’ombre que les caméras ne captent pas.
Cela ne signifie pas que toutes les victoires sont truquées. Mais que certaines étapes, en particulier celles promises à l’échappée, peuvent être conditionnées par des codes non écrits, connus des anciens et appris par les nouveaux. Le mérite, dans ces cas-là, n’est pas toujours uniquement physique.
Le flou reste entier quant à l’éventualité des arrangements en sous main
Dries De Bondt n’a accusé personne. Il n’a pas révélé de scandale, ni désigné de coupable. Mais en parlant à demi-mot de « ceux qui sont dans le coup », il a levé un coin du voile sur une pratique connue mais rarement assumée. En pleine ère de transparence revendiquée, ces paroles dérangent, parce qu’elles rappellent que la frontière entre stratégie de course et tricherie morale est parfois ténue.
Le Giro est terminé, mais le débat, lui, ne fait que commencer.