Arrêté depuis octobre 2024 en raison de commotions cérébrales à répétition, Paul Willemse, deuxième ligne de Montpellier et international tricolore, a témoigné ce mercredi lors du Grenelle sur les commotions organisé par le syndicat des joueurs PROVALE. S’il ne s’est pas prononcé sur la suite de sa carrière, le colosse sud-africain naturalisé français a livré un témoignage poignant, lucide et préoccupant sur la réalité invisible de ces blessures au cerveau qui marquent de plus en plus profondément le monde du rugby.
Une blessure qui ne se voit pas, mais qui change tout
« C’est un petit peu compliqué », a confié Willemse, visiblement désarmé face à une situation paradoxale. « Je ne sens pas physiquement que j’ai un problème donc c’est dur d’arrêter de jouer. Il faut écouter les spécialistes, les médecins, mais je me sens bien donc ce n’est pas évident. » Ces mots illustrent la complexité de la blessure cérébrale : à la différence d’un os cassé ou d’un muscle déchiré, il n’y a ni douleur visible, ni cicatrice tangible, mais une menace silencieuse qui pèse sur la santé à long terme.
Le rugby professionnel a longtemps valorisé l’abnégation, la capacité à se relever et continuer malgré les coups. Mais face aux commotions, cette culture du dépassement trouve ses limites. Willemse en est aujourd’hui un exemple criant : malgré l’absence de douleur, il est contraint à l’arrêt, sur avis médical.
Paul Willemse face au poids du doute et de l’incompréhension
Interrogé sur le regard porté par le monde du rugby sur les commotions, le joueur reconnaît un changement progressif, mais encore insuffisant. « Ce n’est pas tout à fait tabou, mais il y a une image particulière attachée à ces blessures. Tu ne peux pas montrer un scan pour prouver ta blessure, c’est plutôt une sensation. »
Ce flou médical laisse parfois place au doute, à l’incompréhension, voire à la suspicion, tant chez les supporters que dans l’environnement professionnel. Dans un sport où la douleur est monnaie courante, la légitimité de la commotion est encore trop souvent remise en question. « L’image reste toujours que ce n’est pas très grave », regrette Willemse, qui insiste pourtant sur la dangerosité potentielle : « Oui, ça et les cervicales, ce sont les plus graves. Tu peux péter un os ou un ligament, tu reviendras. La blessure du cerveau doit prendre de l’importance. »
Un mal encore mal identifié
Le Grenelle des commotions organisé par PROVALE marque une tentative d’alerter, de rassembler, et surtout de sensibiliser sur une problématique croissante dans le rugby professionnel. Les chocs répétés, même mineurs, peuvent à long terme provoquer des troubles neurologiques graves, altérer la mémoire, l’humeur, ou favoriser des maladies dégénératives. L’affaire Steve Thompson, champion du monde avec l’Angleterre en 2003 et aujourd’hui atteint de démence précoce, a récemment mis en lumière les conséquences durables des commotions dans le rugby.
Pourtant, malgré les progrès en matière de protocole de retour au jeu ou d’équipements de protection, la prévention reste difficile. La détection repose encore largement sur le ressenti du joueur, sur son honnêteté, et sur la vigilance de l’encadrement. Or, comme l’avoue Willemse, quand on se sent « bien », il est difficile d’accepter de s’arrêter.
Quel avenir pour Paul Willemse ?
À 31 ans, le solide deuxième ligne de Montpellier n’a pas encore annoncé de décision concernant la suite de sa carrière. Sa lucidité sur sa santé contraste avec son envie de continuer à jouer, comme s’il devait choisir entre la raison et la passion. L’encadrement médical devra jouer un rôle clé dans cette décision, en mettant au premier plan la sécurité à long terme du joueur.
L’exemple de Willemse dépasse le cadre individuel. Il symbolise un tournant dans la gestion de la santé mentale et neurologique des athlètes. Il alerte sur la nécessité d’un changement de paradigme dans le sport de haut niveau, où la performance ne doit jamais se faire au détriment de l’intégrité physique.
Le rugby à l’heure des choix
Le rugby moderne est confronté à ses contradictions : intensité toujours croissante, exigences physiques extrêmes, mais aussi une conscience sanitaire en pleine évolution. La gestion des commotions est l’un des grands défis à relever pour préserver les joueurs. Le témoignage de Paul Willemse, franc, humain et inquiet, est une nouvelle piqûre de rappel : il est temps de prendre le cerveau aussi au sérieux que les autres muscles du corps.