Actualités Rugby Une

Lesbophobie : une enquête ouverte au sein du Stade Français

Moscato

Moscato

Le rugby français est une nouvelle fois confronté à une affaire de lesbophobie qui dépasse les lignes du terrain. Une enquête a été ouverte à Paris à la suite d’une plainte déposée par une dirigeante de la section féminine du Stade Français. Elle accuse le directeur sportif de harcèlement moral et de propos lesbophobes, une situation qui soulève des interrogations profondes sur les mécanismes de gouvernance et de protection des personnes au sein des structures sportives amateurs.

Une plainte lourde de conséquences

Le parquet de Paris a confirmé avoir reçu le 14 janvier dernier une plainte visant des faits graves de lesbophobie : harcèlement moral et propos à caractère homophobe. La Brigade de Répression de la Délinquance aux Personnes (BRDP) a été chargée de l’enquête. C’est le média Mediapart qui, en premier, a mis en lumière cette affaire, révélant le contenu du signalement effectué par Laura, 27 ans, directrice bénévole de l’équipe féminine du Stade Français, les Pink Rockets.

Selon ses déclarations, les faits dénoncés se sont intensifiés à l’automne dernier, lors des vacances de la Toussaint, épisode qu’elle qualifie d’« énième humiliation ». Elle décide alors de saisir la Fédération Française de Rugby (FFR) par l’intermédiaire de sa plateforme dédiée aux signalements. Le club est rapidement informé de la démarche, et une enquête interne est lancée. Celle-ci aboutit début janvier à un blâme infligé au directeur sportif concerné. Cependant, ni les propos sexistes et homophobes, ni le harcèlement moral ne sont officiellement retenus contre lui à l’issue de cette procédure.

Une mobilisation croissante

Face à ce qu’elles perçoivent comme une réponse insuffisante et une forme d’impunité, les joueuses de l’équipe féminine prennent position. Le 22 mai, dans un communiqué collectif, les Pink Rockets appellent à la démission immédiate du directeur sportif. Elles dénoncent des propos et attitudes qui, selon elles, « participent à un système de domination et d’exclusion ». Le communiqué pointe également du doigt « l’inaction » et les « tentatives de dissimulation » du bureau de l’association, qui gère la section féminine du club.

Le directeur sportif mis en cause a été suspendu de ses fonctions auprès de l’équipe féminine dès janvier, mais il conserve d’autres responsabilités au sein de l’association. Cette décision intermédiaire renforce la frustration des joueuses et de plusieurs membres de l’encadrement, qui estiment que les mesures prises sont insuffisantes pour assurer un environnement sain et respectueux.

Des témoignages accablants sur des propos imprégnés de lesbophobie

Laura, à l’origine de la plainte, ne souhaite pas voir son nom complet publié. Ancienne joueuse au sein du club lors de la saison 2022-2023, elle a ensuite intégré le staff de l’équipe féminine, en même temps que le directeur sportif prenait ses fonctions. Elle affirme avoir récolté six témoignages de joueuses faisant état d’insultes lesbophobes et de menaces visant à dissuader toute opposition. Certaines d’entre elles auraient été menacées de voir leur carrière « pourrie » si elles quittaient le club ou dénonçaient les faits.

Ces témoignages mettent en lumière un climat de peur et de pression, où les jeunes athlètes hésitent à parler, redoutant les conséquences sur leur avenir rugbystique. Laura souligne que d’autres joueuses, bien qu’ayant été témoins ou victimes de comportements problématiques, ont préféré garder le silence. Ce silence est, selon elle, révélateur de la fragilité de la protection des sportives dans les structures amateurs, et de l’inégalité persistante dans la manière dont les violences sexistes et homophobes sont traitées.

Un soutien contre la lesbophobie jugé trop timide

Au-delà de la structure associative du Stade Français, Laura met aussi en cause le manque d’implication de la section professionnelle du club, dirigée par l’ancien international Thomas Lombard. Elle affirme avoir eu un rendez-vous avec lui, mais en est ressortie avec le sentiment d’un soutien « inexistant ». Pour elle, cette posture traduit un désintérêt pour les difficultés rencontrées par la section féminine, pourtant intégrée à l’identité globale du club.

Ce déséquilibre entre les deux structures – l’amateur et le professionnel – est souvent dénoncé dans les clubs mixtes. Il révèle la difficulté d’appliquer des normes de respect et d’éthique uniformes, en particulier lorsque les ressources humaines et juridiques ne sont pas au même niveau.

Une affaire symptomatique

Cette affaire, encore en cours d’investigation, intervient dans un contexte plus large de libération de la parole dans le sport. Elle fait écho à d’autres cas récents dans différents milieux sportifs, où des comportements discriminatoires ont été dénoncés par des athlètes ou des encadrants. Le rugby, qui se veut porteur de valeurs d’inclusion et de respect, n’échappe pas à ces réalités.

Alors que la Fédération Française de Rugby a été saisie et que le conseil de discipline doit se prononcer, la question reste entière : comment protéger efficacement les victimes et instaurer une culture de tolérance zéro dans tous les niveaux du sport, y compris amateur ? Le Stade Français, club historique du rugby français, devra répondre à cette crise avec plus qu’un simple blâme, au risque de voir son image durablement écornée.