Longtemps relégué au second plan, le football féminin connaît aujourd’hui une croissance fulgurante, tant sur le plan médiatique que structurel. Si les compétitions internationales attirent désormais des millions de spectateurs et de téléspectateurs, le chemin vers une véritable égalité de traitement avec le football masculin reste semé d’embûches. À l’heure où les voix s’élèvent contre les discriminations persistantes, la reconnaissance du foot féminin devient un enjeu central pour l’avenir du sport.
Une ascension fulgurante du foot féminin, mais tardive
Il aura fallu attendre le XXIe siècle pour que le football féminin commence à sortir de l’ombre. Pourtant, les premières traces de compétitions féminines remontent aux années 1920. En France, les pionnières comme les joueuses du club de Reims dans les années 1970 ont ouvert la voie, dans l’indifférence générale et souvent avec moquerie. Ce n’est qu’en 2011, lors de la Coupe du monde en Allemagne, que les médias et le grand public commencent véritablement à s’intéresser au football féminin de haut niveau. La France, portée par une génération talentueuse, atteint alors les demi-finales et gagne une visibilité inédite.
Huit ans plus tard, la Coupe du monde organisée dans l’Hexagone marque un tournant. Le match d’ouverture entre la France et la Corée du Sud réunit plus de 10 millions de téléspectateurs sur TF1, un record. Les stades sont pleins, les sponsors affluent, et les joueuses deviennent enfin des figures publiques. Depuis, la popularité du football féminin progresse, à la fois sur le plan sportif et sociétal.
Des progrès réels, mais un décalage persistant
Aujourd’hui, les compétitions féminines sont mieux structurées. En France, la D1 Arkema rassemble 12 clubs professionnels et bénéficie de droits télévisés, même si la diffusion reste encore limitée par rapport à la Ligue 1 masculine. La FIFA, de son côté, a annoncé en 2023 un objectif de parité dans les primes de la Coupe du monde d’ici à 2027. Un pas important, mais encore très symbolique.
Car dans les faits, les écarts demeurent criants. En termes de salaires, de conditions d’entraînement, de couverture médiatique ou de soutien institutionnel, le fossé est immense. Selon une étude de FIFPRO publiée en 2022, seulement 15 % des footballeuses dans le monde vivent pleinement de leur métier. En France, la plupart des joueuses doivent encore travailler ou étudier à côté de leur carrière sportive, à l’exception des effectifs de clubs comme Lyon ou le Paris Saint-Germain.
Des stéréotypes encore bien ancrés qui freinent le foot féminin
Au-delà des chiffres, le football féminin souffre encore de nombreux préjugés. L’idée que les matchs féminins seraient « moins intenses », « moins spectaculaires » ou « moins techniques » persiste dans certains discours, souvent portés par des figures du football masculin. Récemment, une déclaration maladroite de Guy Roux — « on dirait un match de football féminin » — lors du jubilé de Djibril Cissé, a relancé la polémique sur le sexisme dans le sport.
Ces propos illustrent à quel point les représentations sont encore à déconstruire. Pourtant, les statistiques contredisent largement ces clichés. Le niveau de technicité et la qualité du jeu dans les grandes compétitions féminines ne cessent d’impressionner. L’Euro 2022 a d’ailleurs battu des records d’affluence, avec plus de 87 000 spectateurs pour la finale entre l’Angleterre et l’Allemagne à Wembley. Le spectacle est bel et bien au rendez-vous.
Une jeunesse engagée et des figures inspirantes du foot féminin
Heureusement, les nouvelles générations changent la donne. Le football féminin attire de plus en plus de jeunes filles. Selon la FFF, la France compte désormais près de 250 000 licenciées, contre à peine 100 000 en 2011. Des clubs amateurs aux structures professionnelles, des efforts sont faits pour créer des sections féminines, développer la formation et offrir les mêmes chances de progression.
Les icônes du foot féminin, elles aussi, jouent un rôle central. Wendie Renard, Eugénie Le Sommer, Alexia Putellas ou Ada Hegerberg ne sont plus seulement des championnes : elles sont devenues des symboles de l’égalité et de la détermination. Leur visibilité contribue à faire évoluer les mentalités, et à montrer qu’une fille peut rêver, comme un garçon, de soulever un jour un Ballon d’Or.
Vers une reconnaissance pleine et entière
Pour que la reconnaissance du football féminin soit totale, plusieurs leviers restent à actionner. Il faut garantir un accès égal aux infrastructures, renforcer la médiatisation, améliorer les conditions contractuelles des joueuses, mais aussi sensibiliser les acteurs du football à la lutte contre les stéréotypes de genre. Des initiatives comme la professionnalisation de la D1, la création de la Ligue des Champions féminine ou l’intégration de modules éducatifs dans les clubs vont dans le bon sens.
Mais au fond, c’est la culture du football dans son ensemble qui doit évoluer. Car le ballon rond n’a pas de genre. Il est universel. Et les émotions qu’il procure, la beauté du jeu, la passion des supporters n’ont rien à envier selon que l’on soit homme ou femme. La reconnaissance du football féminin n’est pas un supplément d’âme : c’est une nécessité.