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Gravel, le nouveau souffle du cyclisme

À la croisée des chemins, le gravel bouscule les codes du cyclisme. Mi-route, mi-tout-terrain, cette pratique conquiert un public grandissant à la recherche de liberté, d’aventure et d’un retour aux sources. Plus qu’une discipline, un état d’esprit.

Une pratique hybride et accessible

Le mot “gravel” signifie littéralement “gravier”. Et c’est bien sur ces chemins mixtes, entre bitume et sentiers, que cette discipline a trouvé son terrain de jeu. À mi-chemin entre le cyclisme sur route et le VTT, le gravel offre une polyvalence inédite. L’idée ? Quitter les axes routiers fréquentés pour explorer des pistes oubliées, rouler plus loin, plus librement, sans se soucier de la qualité du revêtement.

Le vélo gravel, reconnaissable à son cadre robuste, ses pneus plus larges que ceux d’un vélo de route et sa géométrie confortable, est conçu pour s’adapter à tout type de terrain. Il séduit autant les anciens routiers en quête d’évasion que les vététistes lassés des descentes trop techniques. À cela s’ajoute un avantage précieux : nul besoin d’être un athlète pour débuter. Contrairement au cyclisme sur route souvent perçu comme élitiste, le gravel se veut inclusif, exploratoire, presque contemplatif.

L’explosion des compétitions gravel

Si le gravel a longtemps été associé à une pratique récréative et individuelle, il s’est rapidement structuré autour d’événements emblématiques. Des épreuves comme l’Unbound Gravel (Kansas), la Traka (Espagne) ou encore le French Divide (France) attirent chaque année des centaines, voire des milliers de participants. L’UCI, l’Union Cycliste Internationale, ne s’y est pas trompée : depuis 2022, un championnat du monde de gravel existe officiellement, avec des stars du peloton comme Mathieu van der Poel ou Pauline Ferrand-Prévot au départ.

Ces courses, souvent longues (entre 100 et 300 km), sont autant des défis physiques que des aventures humaines. Loin de la stricte rigueur du peloton professionnel, on y trouve une ambiance conviviale, entre bikepacking, bivouac et entraide entre cyclistes. Le chronomètre compte, mais la performance passe après l’expérience.

Le gravel a aussi bousculé les marques. Les grands noms du cyclisme (Specialized, Trek, Canyon) investissent massivement dans la R&D pour concevoir des modèles toujours plus adaptés. De nouveaux acteurs, plus modestes mais très spécialisés (comme Origine ou Curve), gagnent en notoriété. Et avec cette explosion, c’est tout un écosystème qui se développe : tenues spécifiques, sacoches intégrées, guidons adaptés… jusqu’aux pneus conçus pour chaque type de gravier.

Un nouveau rapport au sport et à la nature

Au-delà de la performance, ce que le gravel propose, c’est un autre rapport au cyclisme. Plus lent, plus proche de la nature, plus intime. Dans un monde saturé d’écrans et d’urgence, le gravel incarne un retour à l’essentiel. On parle souvent de “gravel spirit” pour désigner cette philosophie du voyage, de l’effort durable, du plaisir de la trace inconnue.

Le bikepacking, cette pratique qui consiste à partir en autonomie sur plusieurs jours avec son vélo chargé de sacoches, connaît également un essor parallèle. Le gravel devient alors le compagnon idéal de l’aventure. Pas besoin de performance chronométrée : c’est la traversée elle-même qui devient le but.

Ce changement de paradigme séduit un public large : sportifs urbains en quête de week-ends nature, jeunes actifs lassés des compétitions traditionnelles, ou simples curieux attirés par les images d’espaces ouverts et de liberté. Les réseaux sociaux, notamment Instagram et Strava, ont joué un rôle déterminant dans cette popularité : les paysages spectaculaires, les tracés GPS partagés, les récits de micro-aventures alimentent le mythe d’un sport aussi beau qu’accessible.

Une pratique promise à un avenir durable

Le gravel n’est pas un simple effet de mode. Son développement s’inscrit dans une dynamique sociétale plus large : celle de la transition écologique, du tourisme lent, du besoin de reconnexion avec le vivant. Certaines régions ont d’ailleurs compris le potentiel touristique de cette nouvelle tendance : des itinéraires balisés apparaissent dans les Alpes, les Cévennes ou encore le Morvan. Des offices de tourisme proposent désormais des séjours “gravel friendly”, avec hébergements adaptés, services de réparation et cartographie dédiée.

Côté athlètes, plusieurs coureurs professionnels se reconvertissent partiellement ou totalement dans cette discipline. Peter Stetina, Laurens ten Dam ou encore Nicolas Roche ont quitté le World Tour pour se consacrer à une carrière “gravel”, jugée plus épanouissante, plus humaine, moins encadrée. On y retrouve une liberté que le cyclisme de haut niveau avait peut-être perdue.

Et le grand public suit. Les ventes explosent, les clubs amateurs fleurissent, les événements affichent complet. Le gravel a réussi là où d’autres disciplines peinaient : réunir performance, loisir et éthique. Une révolution à deux roues, discrète mais solide.