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Mads Pedersen au sommet de son art

simon yates

simon yates

Sur les routes escarpées du Giro 2025, un maillot rose attire tous les regards au sommet. En l’espace de cinq jours, Mads Pedersen a déjà levé les bras trois fois, confirmant son statut de leader incontournable du peloton. À 29 ans, le Danois de la Lidl-Trek semble plus affûté, plus constant, plus redoutable que jamais. Ce début de saison, marqué par sa domination sur les classiques et son aisance en montagne, le place au sommet de sa carrière. Mais derrière les performances, Pedersen cultive un style bien à lui, entre choix de vie assumés, habitudes nutritionnelles étonnantes et fidélité rare dans le cyclisme moderne.

Une rivalité au long cours avec Van der Poel

Né en 1995, Pedersen a vu émerger avec lui une génération dorée. Dès les rangs juniors, il croise la route d’un certain Mathieu van der Poel. En 2013, il termine deuxième des Mondiaux juniors à Florence, juste derrière le Néerlandais. Quelques mois plus tôt, il avait déjà remporté Paris-Roubaix juniors, entamant une saison exceptionnelle avec douze victoires. Depuis, les deux hommes se retrouvent régulièrement sur les classiques, rivalisant dans des courses mythiques, entre coups d’éclat et affrontements tactiques.

Leur duel s’est prolongé dans les catégories élites. En 2019, Pedersen devient champion du monde au nez et à la barbe d’un peloton où figurait notamment Van der Poel, piégé par la pluie du Yorkshire. Ces derniers mois, Pedersen a confirmé sa montée en puissance sur les Flandriennes, signant un podium au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix, aux côtés de Van der Poel et Pogacar. Dans cette génération dominée par des géants, le Danois a su imposer son tempo.

Anti-altitude par conviction

Dans un peloton où les stages en altitude sont devenus la norme pour préparer les grands rendez-vous, Mads Pedersen fait figure d’exception. Lui refuse catégoriquement de monter au sommet des volcans ou sur les hauts plateaux pour s’entraîner. « Ce n’est vraiment pas pour moi. J’ai essayé une fois, je n’ai pas supporté », confiait-il en 2024. Pour lui, l’équilibre mental est aussi crucial que la préparation physique.

Il préfère lancer sa saison à l’Étoile de Bessèges, en France, loin des camps d’altitude. Une routine qui lui permet de rester proche de sa compagne, de cuisiner après les entraînements, et surtout de garder le moral. « Je m’entraîne aussi fort que les autres, mais différemment. Pour ma tête, il vaut mieux que je ne monte pas en altitude », affirme-t-il. Une philosophie qui ne l’empêche pas de performer, bien au contraire.

Du brocoli et des bulles d’énergie

Parmi les secrets de forme de Pedersen, certains ont de quoi surprendre. Lors de Paris-Nice 2025, où il a impressionné même en montagne, il a révélé une routine énergétique pour le moins originale. Au menu : un cocktail de brocoli compressé et de bicarbonate de sodium, combiné à une célèbre boisson énergisante.

« Chaque jour pendant Paris-Nice, je buvais un Monster trois heures avant l’arrivée », explique-t-il dans un podcast. « Pour les étapes de sprint, je prenais la version sans sucre. Mais pour les derniers jours, j’y suis allé à fond avec la version sucrée. Je peux vous dire que ça envoie ! » Dans un monde cycliste toujours plus codifié, Pedersen assume une approche personnelle et décomplexée, qui semble porter ses fruits.

Un contrat à vie et une quête inachevée

La fidélité n’est pas monnaie courante dans le cyclisme professionnel. Pourtant, Pedersen a prolongé cette année son contrat avec Lidl-Trek pour une durée « indéterminée ». Une sorte de contrat à vie, signé avec l’équipe qu’il a rejointe en 2017. « Je veux finir ma carrière ici », déclare-t-il sans ambiguïté.

Mais avant de tirer sa révérence, le Danois a encore un rêve à accomplir : remporter un Monument. Malgré des podiums à Roubaix et au Ronde, la victoire lui échappe encore. « C’est mon grand objectif pour les années à venir. Avec cette équipe, je crois que c’est possible », confie-t-il, déterminé. Ce serait, à ses yeux, le sommet ultime de sa carrière.

Une saison taillée pour la Vuelta

Absent du prochain Tour de France, Mads Pedersen a accepté de céder sa place à son coéquipier Jonathan Milan. Une décision pragmatique, motivée par le profil plus adapté de l’Italien. « Milan a plus de chances que moi de gagner des étapes », admet-il avec fair-play. Son objectif : doubler Giro et Vuelta, un programme ambitieux qui confirme son statut de coureur complet et résilient.

Loin des caméras, Pedersen cultive aussi une image de coéquipier modèle. Selon Julien Bernard, son compagnon d’équipe, « on sent que le groupe vit bien autour de lui. À table, personne ne se presse pour retourner dans sa chambre ». Le Danois, discret dans les médias mais précieux dans l’intimité de l’équipe, incarne un cyclisme à la fois puissant et humain.

À son rythme, selon ses propres choix, Mads Pedersen trace une route unique. En haut du classement, en haut de sa forme, il roule, plus que jamais, vers le sommet.