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FFR : un kinésithérapeute licencié pour harcèlement et agressions sexuelles présumés

Moscato

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Accusé de comportements inappropriés sur plusieurs joueuses de l’équipe de France à 7 féminine, un ancien kinésithérapeute de la Fédération Française de Rugby a été licencié pour faute grave. L’affaire, désormais entre les mains de la justice, jette une lumière crue sur les dérives internes au sport de haut niveau.

Une parole libérée, une enquête ouverte

L’affaire débute discrètement, au mois de janvier dernier. Une joueuse de l’équipe de France féminine de rugby à 7 brise le silence et signale à la Fédération Française de Rugby (FFR) des faits présumés de comportements déplacés et inappropriés de la part d’un membre du staff médical. Rapidement, une enquête interne est diligentée, confiée à un cabinet indépendant, AD Conseil, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux et la gestion des alertes sensibles.

Ce signalement initial va ouvrir une brèche. Dans les semaines suivantes, d’autres voix se lèvent. Au total, au moins trois internationales livrent des témoignages concordants mettant en cause le même homme : un kinésithérapeute de 48 ans, en poste au sein du staff des Bleues du 7 entre 2017 et 2022. Les accusations portent sur des gestes inappropriés répétés, survenus lors de séances de soins, dans un cadre censé être protégé, médicalisé, mais devenu pour certaines joueuses un lieu de malaise et de souffrance.

Des accusations graves, une réaction rapide

Face à l’accumulation d’éléments, la FFR n’a pas attendu la fin du processus d’investigation pour prendre une décision radicale. « Devant la gravité des faits révélés dans le rapport préliminaire », le kinésithérapeute a été licencié pour faute grave, « sans préavis ni indemnité », précise la Fédération dans un communiqué transmis à RMC Sport.

L’enquête interne aurait mis en lumière des faits « pouvant être qualifiés de harcèlement et d’agression sexuelle ». Des termes lourds, que la FFR n’emploie pas à la légère. Elle a par ailleurs transmis un signalement officiel au procureur de la République, conformément à son obligation légale lorsqu’elle est informée de faits susceptibles de constituer une infraction pénale.

Un cadre insidieux de domination et d’abus

Selon les premiers éléments recueillis, les agissements reprochés s’inscrivent dans une temporalité longue : entre 2017 et 2022. Durant cette période, le kinésithérapeute officiait régulièrement auprès des joueuses lors des stages, compétitions et regroupements de l’équipe de France féminine à 7. C’est dans ce contexte, où l’intimité physique fait partie intégrante des soins, que des limites auraient été franchies.

Les joueuses qui ont témoigné décrivent des contacts physiques injustifiés, des gestes déplacés, mais aussi un climat de gêne et d’inconfort entretenu par des attitudes ambiguës et répétées. Ce que certaines n’ont pas osé dénoncer à l’époque, de peur de ne pas être crues ou de voir leur carrière affectée, est aujourd’hui porté à la lumière, à la faveur d’une évolution des mentalités et de dispositifs d’écoute plus accessibles.

Un suivi psychologique et juridique proposé aux victimes

Dans un souci de responsabilité, la FFR a indiqué qu’elle proposerait un accompagnement gratuit aux personnes souhaitant porter plainte. Un soutien à la fois psychologique et juridique, afin que les potentielles victimes ne soient pas seules face à la complexité et à la violence d’une procédure judiciaire.

La Fédération dit vouloir « contribuer à la manifestation de la vérité et lutter contre toute forme d’atteinte sexuelle ». Une promesse forte, qui résonne dans un contexte où le sport français, comme d’autres secteurs, est de plus en plus confronté à des révélations de violences sexistes et sexuelles.

Un précédent lourd de conséquences pour le rugby français

Le kinésithérapeute mis en cause avait quitté le staff de l’équipe de France à 7 en 2022 pour rejoindre l’encadrement de l’équipe de France U20. C’est là qu’il officiait encore en début d’année, au moment des premiers signalements. Il avait été « relevé de ses fonctions à titre conservatoire » dès l’ouverture de l’enquête.

Ce cas relance la question des mécanismes de contrôle au sein des fédérations sportives : comment des comportements déplacés peuvent-ils perdurer pendant plusieurs années sans être détectés ? Quelle protection réelle pour les sportives, en particulier dans des environnements majoritairement masculins et hiérarchisés ?

Une prise de conscience en cours, mais encore incomplète

Si la réaction de la FFR a été rapide une fois les faits remontés, cette affaire révèle les failles structurelles encore présentes dans le sport de haut niveau. La libération de la parole, amorcée notamment après le scandale Sarah Abitbol dans le patinage artistique, continue de produire ses effets, mais beaucoup reste à faire pour prévenir efficacement les abus.

Il ne s’agit plus uniquement de sanctionner les comportements déviants, mais de bâtir des cultures d’équipe où la confiance, la sécurité et le respect sont des piliers indiscutables. À travers cette affaire, le rugby français se retrouve à un tournant. Il lui revient désormais de prouver qu’il saura tirer toutes les leçons de ce drame silencieux.

La mise à l’écart du kinésithérapeute accusé d’agressions sexuelles présumées marque un tournant pour la Fédération Française de Rugby. Au-delà de l’acte disciplinaire, cette affaire questionne l’éthique du sport professionnel, la place accordée à la parole des femmes et la capacité des institutions à protéger leurs athlètes. La justice devra désormais établir les responsabilités, mais le signal est clair : la tolérance zéro ne peut plus être un simple slogan.