Dans un contexte économique fragile et face à l’hégémonie du PSG, la Fédération française de football (FFF) propose une refonte radicale de la gouvernance du football professionnel. Objectif : supprimer la Ligue de football professionnel (LFP), créer une société dirigée par les clubs, et bâtir un modèle inspiré de la Premier League.
Un projet inédit qui redistribue les cartes du pouvoir
C’est une petite révolution qui s’annonce dans les coulisses du football professionnel français. Depuis plusieurs mois, le président de la FFF, Philippe Diallo, consulte, prépare, affine. Lundi, la Fédération est passée à l’offensive en dévoilant les contours d’un projet de gouvernance qui bouleverserait l’organisation actuelle : la LFP, telle qu’on la connaît, est appelée à disparaître. À sa place, une société de clubs dirigera le football professionnel, avec un modèle économique et décisionnel radicalement repensé.
Si cette nouvelle structure doit encore franchir plusieurs étapes, notamment législatives, elle témoigne d’un virage assumé : celui d’un football plus rationnel, moins coûteux, plus responsable, mais aussi recentré sur ses clubs, ses acteurs et sa capacité à se réformer en profondeur. À l’heure où plusieurs écuries sont au bord du gouffre financier, où les droits TV stagnent et où la Ligue 1 dépend trop du seul PSG pour briller en Europe, cette transformation apparaît comme un dernier pari pour relancer un modèle à bout de souffle.
La fin programmée de la LFP : un symbole fort
Concrètement, la LFP n’aurait plus d’existence juridique dans la nouvelle architecture proposée. Les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 deviendraient actionnaires d’une société commerciale et sportive, aux côtés de la FFF (qui conserverait un droit de veto sur les décisions les plus structurantes) et du fonds d’investissement CVC, déjà détenteur de 13% du capital. Cette société ne se contenterait pas de gérer les aspects économiques comme aujourd’hui : elle serait également l’organisatrice des championnats.
Adieu les élections traditionnelles du président de la Ligue. Place à un conseil d’administration qui nommera des dirigeants mandatés, rémunérés, et révocables sur objectifs. Une gouvernance calquée sur celle d’une entreprise privée, à l’image du modèle de la Premier League, que la FFF cite comme inspiration directe — tout en promettant de l’adapter aux spécificités françaises.
Un conseil de surveillance, réunissant les grandes familles du football (entraîneurs, joueurs, arbitres, personnels administratifs), permettrait de maintenir un lien entre gouvernance et terrain. Une manière aussi d’éviter une fracture entre les décisionnaires et les acteurs du quotidien.
Une réforme ambitieuse mais conditionnée à une nouvelle loi
Pour voir le jour, cette refonte structurelle nécessite une modification de la loi. Justement, une proposition portée par les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin doit être examinée le 10 juin prochain. Elle concerne l’organisation, la gestion et le financement du sport professionnel, et pourrait ouvrir la voie à ce nouveau modèle.
Rien ne changera donc pour la saison 2025-2026. Mais si le calendrier législatif suit son cours, la nouvelle organisation pourrait entrer en vigueur dès l’été 2026, à l’aube de la saison 2026-2027. Le temps, pour la FFF et les clubs, de préparer cette mutation en profondeur, tant sur le plan juridique qu’opérationnel.
Vers une régulation financière renforcée pour éviter la faillite
Derrière la question de la gouvernance, c’est aussi celle de la viabilité économique du football professionnel français qui est en jeu. La FFF, très inquiète des fragilités structurelles de plusieurs clubs, entend profiter de cette réforme pour instaurer de nouvelles règles financières strictes. La DNCG pourrait ainsi se voir confier un rôle élargi, avec un objectif clair : empêcher tout dépôt de bilan dans les prochains mois.
Parmi les pistes envisagées : limiter le nombre de contrats autorisés dans un effectif, plafonner la masse salariale par des ratios encore plus contraignants (le seuil des 70 % du chiffre d’affaires pourrait être abaissé), et introduire des mécanismes inspirés du fair-play financier de l’UEFA.
Autre levier clé : une révision de la répartition des droits TV. Sans remettre en cause l’idée d’élitisme portée par Vincent Labrune, la FFF souhaite une redistribution un peu plus équilibrée pour maintenir la compétitivité des clubs de bas de tableau et éviter une Ligue 1 à deux vitesses. Une idée encore floue, mais qui pourrait, à terme, redonner de l’intérêt sportif au championnat dans son ensemble.
Une transition par étapes, avec la volonté de regagner la confiance des fans
Cette révolution ne se fera pas du jour au lendemain. La FFF le sait, et elle assume une stratégie par étapes. D’abord, éviter toute catastrophe financière cet été. Ensuite, stabiliser les relations commerciales en trouvant un accord satisfaisant sur les droits TV – peut-être via une chaîne de la Ligue soutenue par un acteur historique comme Canal+. Et enfin, transformer les statuts pour installer durablement ce nouveau modèle.
Le défi est immense. Mais la volonté semble réelle. « Ce n’est que le début du processus, mais le cadre est clairement posé », confie une source fédérale. L’objectif ultime ? Rendre le football français plus attractif, plus lisible, plus solide. Et peut-être, à terme, capable de rivaliser avec les grands championnats européens autrement que par les exploits isolés d’un club aux moyens hors normes.