Lors d’une interview télévisée, le président Emmanuel Macron a clarifié sa position sur le port du voile dans la pratique sportive. S’il se montre ferme quant aux compétitions, il adopte un ton plus nuancé concernant les entraînements et la pratique libre. Un positionnement qui tente de ménager les principes de laïcité tout en prenant en compte les réalités de terrain.
Un équilibre délicat sur un sujet hautement sensible. Le président de la République Emmanuel Macron s’est exprimé ce mardi soir sur TF1 dans l’émission Les défis de la France. Interrogé par Sylvie Eberena, championne de France d’haltérophilie 2024, sur le port du voile dans le sport, il a rappelé son attachement à la charte olympique, qui interdit tout signe religieux dans le cadre des compétitions. Mais il a aussi plaidé pour du « pragmatisme » dans la pratique quotidienne du sport, hors cadre compétitif.
La charte olympique en ligne de mire
« Je suis pour la charte olympique, qui interdit le port de tout signe religieux en compétition », a affirmé le président, soulignant son adhésion aux principes d’égalité et de neutralité sur les terrains de sport. Cette position est cohérente avec les règles établies par le Comité international olympique (CIO), qui prohibe toute manifestation politique, religieuse ou raciale pendant les compétitions. Pour Emmanuel Macron, cette neutralité est « la condition de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité entre chacun ».
Ce cadre rigoureux vise à préserver l’universalité de la compétition, où les athlètes doivent être jugés uniquement sur leurs performances sportives, sans interférence idéologique ou religieuse. Une position qui, dans le contexte des Jeux olympiques de Paris 2024, prend un relief tout particulier.
En dehors des compétitions : place au pragmatisme
Mais en dehors des compétitions, la ligne présidentielle devient plus souple. Emmanuel Macron distingue ainsi clairement les terrains de compétition des infrastructures sportives du quotidien. « Quand on est dans une compétition, ce n’est pas la place d’un signe religieux. […] Dans les infrastructures sportives, pour aller s’entraîner, il faut du pragmatisme », a-t-il expliqué, tout en rappelant que « notre loi ne l’empêche pas ».
Autrement dit, si la neutralité s’impose sur les podiums et les terrains officiels, la pratique sportive amateur ou d’entraînement peut tolérer certaines formes d’expression religieuse, à condition que cela ne contrevienne pas à l’ordre public ni aux règles fixées par les fédérations sportives.
Un débat politisé et divisé
Les propos du chef de l’État interviennent dans un contexte législatif et politique tendu. Le 5 mars 2024, le sénateur Michel Savin a déposé une proposition de loi visant à renforcer le principe de laïcité dans le sport. Adoptée en première lecture par le Sénat le 18 février, elle interdit le port de tout signe religieux ou politique ostensiblement visible lors des compétitions sportives organisées par les fédérations, ligues professionnelles ou associations affiliées.
Le texte va plus loin que les règles olympiques en élargissant la restriction à toutes les compétitions, y compris locales et nationales, et interdit également l’usage détourné d’équipements sportifs pour des pratiques confessionnelles dans des équipements publics.
Mais cette proposition a suscité des tensions jusque dans les rangs du gouvernement. La ministre des Sports Marie Barsacq avait initialement exprimé des réserves, mettant en garde contre les « amalgames » entre port du voile et radicalisation, avant de se rallier à la ligne officielle. Une posture critiquée par certains ténors de la droite, dont Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, défenseurs d’une laïcité stricte.
Des implications concrètes pour les sportives voilées
Derrière ces débats juridiques et philosophiques se pose la question très concrète du sort des sportives musulmanes qui portent le voile. Les compétitions pourraient leur devenir inaccessibles si la loi venait à être promulguée dans les termes actuels. Déjà, plusieurs fédérations sportives françaises interdisent de facto le port du hijab en compétition, ce qui a conduit à la formation du collectif des Hijabeuses, très médiatisé en 2022.
En autorisant les fédérations à trancher pour la pratique quotidienne, Emmanuel Macron évite une interdiction généralisée et offre une marge de manœuvre aux acteurs de terrain, souvent mieux à même d’évaluer les situations concrètes.
Une ligne de crête à visée apaisante
En résumé, la position d’Emmanuel Macron se veut celle d’un équilibre : respect strict de la neutralité dans les compétitions, et souplesse mesurée dans la pratique libre. Un message destiné à rassurer ceux qui craignent une remise en cause du principe de laïcité, tout en évitant l’exclusion pure et simple d’une partie de la population féminine des salles de sport.
Mais cette ligne de crête ne mettra pas fin au débat. La question du voile dans le sport cristallise des tensions sociales, identitaires et politiques profondes. Le Président a choisi d’ouvrir un espace de dialogue, sans trancher de manière brutale. Reste à voir si ce pragmatisme présidentiel suffira à calmer les polémiques, ou s’il nourrira de nouvelles oppositions dans les mois à venir.