En pleurs à la barre, Gianinna Maradona a accusé les soignants d’avoir orchestré une « horrible manipulation » durant la convalescence de son père. Un témoignage poignant qui relance les questions sur les circonstances du décès de l’idole argentine.
Une audition bouleversante dans un procès à forts enjeux
Cela faisait près de deux mois que le procès sur la mort de Diego Maradona suivait un cours plutôt technique à San Isidro, dans la banlieue nord de Buenos Aires. Mais l’intervention de Gianinna Maradona, mardi, a marqué un tournant émotionnel majeur dans cette affaire judiciaire hors norme. La fille cadette du « Pibe de Oro », aujourd’hui âgée de 35 ans, a livré un témoignage déchirant, mêlant souvenirs, accusations, et une détresse encore vive plus de quatre ans après la disparition de son père.
Pendant près de sept heures, souvent entrecoupées de sanglots, Gianinna a dénoncé ce qu’elle considère comme une « mise en scène » macabre orchestrée par le personnel médical chargé du suivi post-opératoire de Maradona. Selon elle, les soignants ont manipulé la famille, occulté des informations essentielles, et laissé le champion du monde 1986 dépérir dans un isolement qu’elle juge aujourd’hui volontaire.
Une « pièce de théâtre funeste » et un père laissé seul
« Je crois que ce fut une mise en scène, une pièce de théâtre qu’ils nous ont montée, pour poursuivre ce qu’ils voulaient, maintenir papa seul, dans un endroit sombre et moche », a-t-elle déclaré à la barre, aux côtés de sa mère Claudia Villafañe, ex-épouse de Maradona.
Sans désigner précisément les motivations supposées de cette « manipulation », l’avocat de la famille, Me Fernando Burlando, a déjà pointé du doigt des « intérêts pécuniaires » qui auraient pu pousser certains membres de l’équipe médicale à maintenir Diego Maradona dans un cadre de soins à domicile, plutôt qu’en institution, malgré l’avis de la clinique qui l’avait opéré.
C’est justement cette décision – celle d’une convalescence à domicile dans une résidence de Tigre – qui constitue l’un des points centraux du procès. Les sept professionnels jugés (médecins, psychiatres, psychologue, infirmiers) risquent entre 8 et 25 ans de prison pour « homicide avec dol éventuel », c’est-à-dire une négligence en connaissance des risques potentiellement mortels.
Des preuves accablantes et des enregistrements glaçants
Le moment le plus lourd d’émotion s’est produit lorsque la cour a diffusé des enregistrements sonores datant de novembre 2020, à peine quelques jours avant la mort de Maradona. Sur l’un d’eux, une réunion entre les soignants et les proches de l’ancien footballeur, où la famille s’efforce de comprendre les choix médicaux opérés. Sur un autre, un message vocal glaçant du psychologue Carlos Díaz, adressé à la psychiatre Agustina Cosachov : « L’objectif stratégique est de filer le ballon à la famille… l’idée est de nous couvrir nous ».
Ce message, que le tribunal a entendu en direct, a suscité des murmures d’indignation dans la salle d’audience. Pour Gianinna, il confirme ce qu’elle ressentait depuis longtemps : une volonté de se protéger, quitte à laisser Diego sombrer dans l’indifférence.
Un dernier adieu traumatisant et des réponses qui manquent
Le témoignage de Gianinna a également permis d’éclairer la dernière fois où elle a vu son père vivant, le 18 novembre 2020, soit une semaine avant sa mort. « Il était très gonflé, on ne voyait même pas ses yeux (…) il avait une voix de robot », a-t-elle raconté. Pourtant, les soignants minimisaient son état : « Ils me disaient tous que c’était normal, à cause de la position couchée, du post-opératoire… », a-t-elle ajouté.
Elle ne reverra plus jamais Maradona vivant. Le 25 novembre, il décède officiellement d’un œdème pulmonaire et d’une crise cardiorespiratoire. Une mort qui, pour ses proches, n’est toujours pas acceptée, tant les circonstances semblent avoir été marquées par des négligences, voire des dissimulations.
« Après sa mort, j’ai parlé à papa, je lui ai dit que je voulais mourir, aller avec lui », a-t-elle confié dans un moment d’intense émotion, demandant pardon à son fils, à sa sœur Dalma, et à leur mère. Un cri du cœur d’une fille accablée, mais aussi déterminée à obtenir justice.
Un procès long, des responsabilités partagées ?
Jusqu’ici, seule Agustina Cosachov a été entendue parmi les accusés. Tous rejettent les charges, arguant qu’ils n’étaient responsables que d’un aspect du suivi : psychiatrique, infirmier, addictologique, etc. Cette ligne de défense pourrait toutefois être battue en brèche par la convergence des négligences pointées dans le dossier : absence de matériel de réanimation, suivi psychologique léger, isolement du patient, communication défaillante avec la famille…
Le procès devrait durer jusqu’en juillet, à raison de deux audiences par semaine. Mais il est déjà certain qu’il ne laissera pas l’opinion argentine indifférente. Diego Maradona, héros national et légende mondiale, semble avoir vécu ses derniers jours dans la solitude, la confusion, et peut-être la trahison. Pour Gianinna et sa famille, la justice ne pourra réparer la perte. Mais elle peut, peut-être, reconnaître qu’il n’est pas mort par hasard.