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Tony Yoka au bord du chaos

Fini le golden boy du noble art. Tony Yoka, ex-espoir de la boxe tricolore, collectionne les défaites et les désillusions. Plongée dans la chute vertigineuse d’un champion olympique qui n’arrive plus à relever la tête.

Des débuts professionnels pourtant prometteurs

Le 21 août 2016, Tony Yoka décroche la médaille d’or des poids super-lourds aux Jeux olympiques de Rio. Une performance historique pour la boxe française. Beau gosse, charismatique, à l’aise dans les médias, le boxeur devient instantanément la coqueluche du public et des sponsors. L’avenir semble tout tracé : conquête du monde professionnel, ceintures internationales, carrière à la Tyson Fury ou Anthony Joshua.

Quelques mois plus tard, Yoka signe avec le promoteur Richard Schaefer et entame sa carrière professionnelle en fanfare. Ses premières victoires — parfois contestées — s’enchaînent face à des adversaires modestes. Il séduit par sa technique, sa mobilité, sa puissance. On lui promet une ascension fulgurante. La boxe tricolore, orpheline depuis les belles années de Brahim Asloum ou Jean-Marc Mormeck, pense avoir trouvé son nouveau messie.

Une carrière mal gérée ?

Mais très vite, les failles apparaissent. À vouloir tout contrôler, Tony Yoka se coupe de certains circuits traditionnels. Il refuse de boxer aux États-Unis, préfère rester en France et façonne sa carrière à sa manière, souvent à contre-courant des conseils du milieu. Certains parlent d’arrogance, d’autres d’un manque d’humilité. Le choix de s’entourer de l’entraîneur américain Virgil Hunter intrigue, surtout lorsque les résultats tardent à suivre.

En parallèle, la communication du boxeur commence à agacer. Trop lisse, trop calculée, parfois prétentieuse. Ses sorties médiatiques où il parle déjà de combats contre des cadors mondiaux détonnent avec la qualité réelle de ses opposants. L’affaire de la non-présentation à des contrôles antidopage, en 2018, écorne un peu plus son image. Suspendu un an avec sursis, Yoka perd une partie de la confiance du public.

Mais c’est surtout sur le ring que les doutes grandissent. Après quelques combats sans relief, sa défaite contre Martin Bakole, en mai 2022, fait l’effet d’un électrochoc. Le Congolais malmène Yoka, le domine physiquement et tactiquement. Le Français semble dépassé, presque résigné. Il s’incline à l’unanimité, sous les sifflets d’un public médusé.

Un boxeur en quête de repères

Depuis cette défaite, rien ne va plus. Tony Yoka enchaîne deux nouveaux revers, contre Carlos Takam puis Ryad Merhy. Trois défaites d’affilée qui viennent briser net l’élan de celui qui se rêvait champion du monde. Ses lacunes sautent désormais aux yeux : manque de mobilité, défense friable, gestion des temps faibles approximative, mental friable. Pire encore : son style de boxe, trop académique, semble mal adapté à l’univers professionnel où l’intensité et la rudesse priment.

Physiquement, Yoka a beau conserver une silhouette impressionnante, il donne parfois l’impression d’être en retrait, trop peu agressif. Certains observateurs pointent un manque d’envie. D’autres évoquent un entourage peu enclin à le remettre en question. Et dans ce sport où l’ego fait office de carburant, le doute devient vite un poison.

À 32 ans, le Parisien est à la croisée des chemins. Ses adversaires ne sont plus des seconds couteaux. Le public, lui, commence à se détourner. Les salles se vident, les audiences chutent. La boxe française, qui comptait sur lui pour redorer son blason, regarde désormais vers d’autres espoirs.

Peut-il encore revenir au plus haut niveau ?

Tout n’est pourtant pas perdu. Le talent de base est là, le gabarit aussi. Et l’histoire de la boxe est remplie de come-backs retentissants. Mais pour cela, Tony Yoka devra changer. Changer d’équipe ? D’entraîneur ? De méthode ? En tout cas, faire preuve d’humilité et de lucidité.

Peut-être aussi accepter de repartir de plus bas, loin des projecteurs. Enchaîner des combats moins médiatiques pour retrouver de la confiance, se reconstruire techniquement, mentalement. Et surtout, retrouver le feu sacré, celui qui brûle chez tous les grands champions.

Il faudra aussi se poser les bonnes questions. Est-il encore habité par ce rêve ? Est-il prêt à souffrir, à encaisser, à repartir de zéro ? Ou préfère-t-il capitaliser sur sa notoriété pour envisager une reconversion tranquille dans les médias ou le business ?

Une icône déchue ou un champion en sommeil ?

Tony Yoka est à un tournant. Il peut rester dans l’histoire comme un immense gâchis, un talent perdu dans les méandres de la surcommunication et des choix hasardeux. Ou il peut renaître, à la dure, à l’ancienne, en reprenant le chemin des salles obscures et des combats de chiens.

La balle est dans son camp. Et dans la boxe, tout peut basculer en un round.