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Alexis Lebrun, entre douleur et espoir : le pari risqué de Doha

Fracturé à un doigt et absent des tournois asiatiques, Alexis Lebrun a repris l’entraînement. Malgré les incertitudes, le Français de 20 ans s’envolera bien pour les Mondiaux de Doha. Il décidera au dernier moment s’il prend part à la compétition.

Un mois pour se réparer, quelques jours pour décider
Le 23 mars dernier, en finale des championnats de France à Antibes, Alexis Lebrun cède à la frustration. Battu par son cadet Félix, il frappe violemment la table du poing. Le diagnostic est sans appel : fracture du petit doigt de la main droite, opération, plaque en métal et plusieurs semaines loin de la raquette. Alors que les Mondiaux de Doha (17-25 mai) approchent, le jeune numéro 9 mondial revient petit à petit dans le jeu. Suffisamment pour faire le voyage avec les Bleus, mais sans garantie de participation.

Aujourd’hui encore, le Tricolore parle de “fracture non consolidée” et de gestes limités. “On m’a mis une plaque, il faut faire attention. Ce n’est pas le doigt le plus handicapant dans le jeu, mais tout le bras a été impacté. Le poignet, le coude, l’épaule… Quand on coupe un mois, tout le corps se déséquilibre. La reprise est rude.”

Un mois sans raquette mais pas sans travail
Alexis Lebrun a connu, depuis fin mars, l’une des phases les plus frustrantes de sa jeune carrière. Incapable de tenir une raquette, il a dû réorganiser totalement son quotidien d’athlète de haut niveau. “Il a bossé physiquement, mentalement, en dehors de la table. Il s’est entraîné jusqu’à huit heures par jour, mais différemment”, souligne son entraîneur Nathanaël Molin.

Pas de raquette, mais beaucoup de préparation physique, du travail en salle, des soins, du repos et une introspection utile. “J’ai eu du temps pour moi, pour ma famille. J’ai appris à relativiser un peu. C’est un mal pour un bien, peut-être”, souffle Alexis. Pendant ce laps de temps, il a dû renoncer au WTT Champions d’Incheon et à la prestigieuse Coupe du monde de Macao, deux rendez-vous manqués qui auraient pu peser lourd en préparation.

Le retour au contact : Nantes comme test grandeur nature
Depuis quelques jours, le clan Lebrun est de retour au complet. Au CREPS de Nantes, le stage de l’équipe de France bat son plein et Alexis y participe activement. “Rien que pouvoir être là, c’est une victoire”, sourit-il. “Parfois ça va, parfois moins. Il y a des hauts et des bas. Mais globalement, ça avance.”

Son entraîneur reste lucide sur la situation : “On déroule un plan comme s’il allait jouer. Il est là, il progresse, mais on garde le droit de décider au dernier moment.” Une stratégie de temporisation, qui permet à Alexis de repousser au maximum une décision cruciale : jouer diminué ou renoncer.

Doha, le rendez-vous de tous les paris
À Doha, les championnats du monde vont constituer un rendez-vous capital. Et l’incertitude demeure. Alexis est inscrit en simple, avec une entrée en lice prévue samedi prochain face au Togolais Kokou Fanny (38 ans), mais également en double avec son frère Félix, dans un duo classé numéro 1 mondial. Leur statut de tête de série leur offre un tirage favorable, mais rien ne garantit qu’ils pourront le défendre ensemble.

Pour Félix, l’essentiel est de retrouver son frère, quel que soit son niveau : “Ça fait bizarre qu’il n’ait pas été avec nous en Asie. Là, on retrouve notre routine, même si c’est un peu différent.” Les deux frères, figures montantes du ping français, partagent depuis des années un lien aussi fort qu’indissociable, sur et en dehors des tables.

Un choix cornélien à venir
La situation d’Alexis pose une question de fond sur la gestion des blessures chez les jeunes athlètes. Faut-il risquer un retour prématuré pour un événement majeur ? Ou privilégier une guérison complète, au risque de manquer une échéance mondiale ? “C’est une décision de dernière minute, mais on veut faire ça intelligemment”, martèle Molin.

Le staff médical, le joueur et son entourage vont devoir trancher dans les heures précédant le début du tournoi. Tout est prêt comme s’il allait jouer, mais personne ne veut griller les étapes. À seulement 20 ans, Alexis Lebrun sait que sa carrière est devant lui. Mieux vaut un Mondial manqué qu’un poignet abîmé à long terme.

Le sport comme école de patience
Pour Alexis, ces dernières semaines auront été une leçon. De contrôle de soi, d’acceptation, de patience. “C’est dur de rester sur le côté, mais je me suis accroché. Et maintenant, on verra. Le corps dira oui ou non.”

Doha, dans quelques jours, donnera sa réponse. Avec ou sans raquette, Alexis Lebrun y aura déjà remporté une victoire : celle de ne pas avoir cédé au découragement. Reste à savoir si cette ténacité le mènera, dès samedi, à la table.