Irisine, myonectine, interleukine 6… Ces messagères produites par les muscles pendant l’exercice physique jouent un rôle crucial dans notre santé globale. Zoom sur les secrets moléculaires du mouvement.
Pourquoi se sent-on mieux après une séance de sport ? Pourquoi le corps, le cerveau, le système immunitaire semblent-ils renforcés par l’exercice physique ? La réponse réside en grande partie dans une classe de molécules encore peu connues du grand public : les myokines. Produites par les muscles pendant l’effort, elles orchestrent un véritable dialogue chimique entre les organes, influençant la santé cardiovasculaire, l’immunité, le métabolisme, et même la mémoire.
Que sont les myokines ?
Les myokines sont des protéines messagères sécrétées par les muscles lorsqu’ils se contractent. Ce sont, en quelque sorte, des « hormones du muscle », capables d’agir localement ou à distance, en rejoignant la circulation sanguine pour aller stimuler ou réguler d’autres organes : cœur, cerveau, foie, tissu adipeux, etc.
Bettina Wollesen, vice-présidente de l’Association allemande des sciences du sport, rappelle qu’il en existe plus de 600 identifiées à ce jour, et que ce chiffre est amené à augmenter au fil des recherches. Chaque type d’exercice libère un « cocktail » particulier de myokines, responsable des nombreux bienfaits observés dans l’organisme.
Endurance : un cœur renforcé grâce à la myonectine
La pratique de sports d’endurance – course à pied, natation, cyclisme… – stimule notamment la production de myonectine, une myokine qui joue un rôle central dans la régulation de la santé cardiovasculaire. Elle contribue à réduire les processus inflammatoires du muscle cardiaque, améliore le métabolisme lipidique, et soutient le bon fonctionnement du système immunitaire.
Ainsi, après quelques semaines d’entraînement d’endurance, ce sont non seulement vos performances qui s’améliorent, mais aussi vos défenses naturelles et la santé de votre cœur. Un cercle vertueux porté par la chimie interne du muscle.
Musculation : l’irisine, alliée de la silhouette
Lorsque l’on pratique des exercices de force ou de résistance, comme la musculation ou les exercices avec poids du corps, c’est une autre myokine qui entre en scène : l’irisine. Elle favorise la croissance et la régénération musculaire, mais agit aussi sur la composition corporelle.
L’irisine contribue à la transformation de la graisse blanche (stockée autour des organes) en graisse brune, métaboliquement plus active et utile à la régulation thermique. Cette action pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre l’obésité et les troubles métaboliques, selon les chercheurs.
Un cerveau stimulé par le sport
Les effets des myokines ne s’arrêtent pas aux muscles. Le cerveau bénéficie également d’une stimulation indirecte, en particulier via la production de BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), une protéine qui favorise la plasticité cérébrale, l’apprentissage et la mémoire.
L’activité physique régulière augmente la libération de BDNF, ce qui permet au cerveau de rester agile, surtout avec l’âge. Plusieurs études associent cette molécule à une prévention des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer. Un peu d’exercice chaque jour pourrait donc être l’un des meilleurs investissements pour son avenir cognitif.
Sommeil, inflammation, immunité : d’autres bénéfices cachés
Une autre myokine mérite l’attention : l’interleukine 6 (IL-6). Loin de se limiter à un rôle immunitaire, elle participe également à la régulation du sommeil, améliorant sa qualité et sa profondeur. Son effet anti-inflammatoire contribue également à la récupération musculaire et à la protection des tissus.
De manière générale, l’ensemble des myokines libérées durant l’exercice agit comme un puissant cocktail réparateur, capable de limiter les inflammations chroniques, de favoriser la réparation cellulaire et de maintenir l’équilibre des fonctions vitales.
Combien d’exercice pour en profiter ?
La bonne nouvelle, c’est que ces effets bénéfiques apparaissent très vite. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 30 minutes de mouvement par jour suffisent à enclencher ces processus. Bettina Wollesen recommande, en complément, 120 à 150 minutes hebdomadaires d’entraînement de force et/ou d’endurance.
Mais inutile de se lancer dans un programme militaire. Une marche active, un trajet à vélo, quelques exercices à la maison ou une séance de danse suffisent à stimuler la production de myokines. Le simple fait de rompre la sédentarité joue un rôle déterminant.
Un espoir pour la médecine de demain
Les myokines sont aujourd’hui au cœur de nombreuses recherches. Elles pourraient ouvrir la voie à de nouvelles approches préventives et thérapeutiques, notamment dans les domaines du cancer, du diabète, des maladies inflammatoires chroniques ou du vieillissement.
Elles confirment une évidence trop souvent négligée : le muscle est un organe à part entière, un acteur central de notre santé. Et pour l’activer, pas besoin de se dépasser chaque jour — il suffit de bouger, régulièrement, avec plaisir.