Actualités Cyclisme Une

Tadej Pogacar sous l’œil de l’Agence mondiale antidopage après ses performances stratosphériques

Vainqueur éclatant de la Flèche Wallonne, Tadej Pogacar continue de fasciner… mais aussi d’alimenter les soupçons. Dans un contexte où le cyclisme reste marqué par les scandales du passé, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a tenu à rappeler ses dispositifs de contrôle et de surveillance.

Des performances exceptionnelles qui interrogent

Mercredi dernier, Tadej Pogacar a encore marqué les esprits. Avec une attaque fulgurante dans le Mur de Huy, il a remporté la Flèche Wallonne en patron, écrasant la concurrence. Une démonstration de puissance qui, si elle impressionne, suscite aussi des interrogations.

Le Slovène, leader de l’équipe UAE-Team Emirates, enchaîne les exploits depuis plusieurs saisons. Sa capacité à répéter les performances au plus haut niveau dans un sport historiquement entaché par de nombreux scandales de dopage n’échappe pas aux observateurs.

Interrogé dans l’émission « Les Grandes Gueules du Sport » sur RMC, Olivier Rabin, directeur science et médecine de l’Agence mondiale antidopage, a reconnu que de telles performances ne laissent jamais indifférent. « Oui, les performances exceptionnelles attirent toujours l’attention. Cela ne veut pas forcément dire qu’il y a dopage derrière ces performances », a-t-il tempéré.

Des contrôles renforcés et des échantillons conservés

Conscient des suspicions qui pèsent sur le cyclisme, Olivier Rabin a rappelé que la discipline bénéficie d’un suivi antidopage particulièrement rigoureux. L’International Testing Agency (ITA), spécialisée dans le contrôle du cyclisme, cible les coureurs à différents niveaux, avec des méthodes toujours plus précises.

Un des outils les plus efficaces de l’AMA reste la conservation des échantillons. « On peut garder les échantillons pendant dix ans et mener des analyses rétrospectives », a précisé Rabin. Cette stratégie a déjà permis, notamment après les Jeux olympiques de Londres, de révéler des cas de dopage longtemps après les compétitions.

Même si certaines méthodes de détection ne sont pas encore totalement validées, elles progressent rapidement. Le message est clair : les athlètes d’aujourd’hui doivent savoir que des pratiques interdites pourraient être détectées plusieurs années plus tard.

Le monoxyde de carbone, une polémique récente

Le cyclisme reste au centre de nombreuses polémiques liées aux pratiques à la frontière de la réglementation. Récemment, l’Union cycliste internationale (UCI) a interdit l’utilisation du monoxyde de carbone dans l’entraînement. Avant cette interdiction, certaines équipes comme UAE-Team Emirates ou Visma-Lease a Bike exploitaient cette technique pour améliorer la capacité de transport de l’oxygène, en simulant les effets de l’altitude.

Si l’UCI a tranché, évoquant des risques sanitaires trop importants, cette situation rappelle d’autres affaires où la frontière entre l’optimisation de la performance et la tricherie devient floue.

L’AMA surveille aussi attentivement ces évolutions. « Le monoxyde de carbone est interdit dans le cyclisme, mais l’AMA va probablement intégrer cet élément dans la nouvelle liste des produits interdits », a confirmé Olivier Rabin.

Cétones, tramadol : des zones grises encore surveillées

Dans son intervention, Rabin est également revenu sur d’autres substances qui ont longtemps alimenté les débats. Les corps cétoniques, par exemple, très utilisés dans le cyclisme pour améliorer la récupération, ne sont pas considérés comme dopants pour l’instant. « Ce ne sont pas des substances interdites, elles ne figurent pas sur la liste », a-t-il rappelé.

À l’inverse, le tramadol, un puissant analgésique, a suscité des recherches poussées. Celles-ci ont montré qu’il pouvait augmenter la performance, ce qui a conduit à son interdiction dans le cyclisme. Une mesure saluée, car elle répond aussi à des préoccupations de santé publique.

De nouvelles menaces : Ozempic et ses dérivés

Alors que la science progresse, de nouveaux produits attirent l’attention des autorités antidopage. C’est notamment le cas de l’Ozempic, un médicament destiné aux diabétiques mais de plus en plus détourné pour ses effets sur la perte de poids.

« On travaille beaucoup sur les agonistes du récepteur GLP-1 comme le semaglutide (Ozempic) », a expliqué Olivier Rabin. Ces substances pourraient avoir des effets sur la performance, notamment en améliorant l’endurance grâce à la perte de poids et une meilleure gestion de l’énergie.

L’AMA multiplie donc les recherches pour anticiper ces détournements et, si nécessaire, inscrire ces produits sur la liste des substances interdites.

Prudence et vigilance : la ligne de conduite

Face à des performances hors normes comme celles de Tadej Pogacar, l’Agence mondiale antidopage adopte une position équilibrée : admiration pour le talent, mais vigilance constante. « Oui, il y a parfois des performances qui peuvent poser question. Mais il faut aussi prendre en compte la préparation des athlètes, leur entraînement, leur alimentation », insiste Rabin.

Le cyclisme, plus que tout autre sport, sait que l’ombre du dopage plane toujours. Mais il sait aussi que les moyens de lutte n’ont jamais été aussi sophistiqués. Aujourd’hui, l’AMA et l’ITA disposent d’armes scientifiques de pointe pour traquer les tricheurs… même longtemps après les faits.